Un roi chez les Vaudois
Le 14 mars 2005
Gonflé et hilarant, Benoziglio réinvente une fin helvétique à Louis XVI et gagne sur tous les tableaux.


- Auteur : Jean-Luc Benoziglio
- Editeur : Editions du Seuil
- Genre : Roman & fiction
Ô, l’allégresse de Jean-Luc Benoziglio, le plus parisien des écrivains d’origine suisse, pour nous concocter cette sotie ! Elle explose dès les premières lignes d’une écriture malicieuse, toute teintée de la langue des Lumières, mais n’hésitant pas à déraper vers le jeu de mot laid, le calembour ou le "witz" helvète le plus lourdingue. Les faits ici relatés par l’historien-narrateur sont les suivants : comme tout le monde le sait, Louis XVI a échappé à la guillotine par une voix et le Directoire s’est débarrassé de l’encombrant emblème d’une époque disparue dans le seul pays qui a bien voulu accepter sa présence (contre espèces sonnantes et trébuchantes, ça va de soi), la Suisse. Le monarque donc, à la fois banni et neutralisé à Saint-Saphorien, village de vignerons et de pêcheurs du bord du lac Léman auquel il ne mettra pas le feu mais tout de même un peu d’animation malgré son spleen qu’il noie dans la bière et le kirsch.
Tout est goûteux dans ce roman de politique-fiction parsemé de portraits désopilants. Necker, Bonaparte, Benjamin Constant ou Lafayette en prennent pour leur grade et Benoziglio y va de sa plume avec ardeur pour truffer son texte d’anachronismes, de rappels historiques parfois réels, parfois totalement inventés. Primesautier et bondissant, il prend tous les risques, et surtout celui de nous faire rire avec les travers de ses compatriotes, ces Suisses qui n’en auront jamais fini d’être eux-mêmes avec leur parler "épais", leur repli sur soi, leur peur de l’autre et du qu’en-dira-t-on. Les Français sont tout aussi malmenés, qui se prennent pour le centre du monde et s’expriment comme des livres. Mais le grand gagnant de cette opération résurrection est l’auteur, joyeux érudit qui fait montre d’un courage peu commun. Par exemple en osant appeler Aline la servante du souverain déchu (pour qu’elle revienne ?) ou en nous assénant des blagues du genre de "l’estafette pas tellement à la sienne". Pour couronner ce virevoltant exercice, le vocabulaire soigneusement choisi renvoie sans cesse à l’idée de décapitation. Un sous-texte pesant son poids de cacahuètes et qui fait décoller (osons ce verbe) cette satire qui pourrait n’être qu’aimablement acrobatique vers des altitudes rarement atteintes dans la fiction d’aujourd’hui.
Jean-Luc Benoziglio, Louis Capet, suite et fin, Seuil, coll. "Fiction et Cie", 2005, 184 pages, 15 €
Oderda Sandrine 4 avril 2005
Louis Capet, suite et fin - Jean-Luc Benoziglio
Je viens de redécouvrir Béno, 25 ans après le coup de foudre de "Cabinet- portrait" : il n’a pas pris une ride. J’ai adoré le passage de la fondue. C’est du grand Béno, et je m’y connais...