Le 5 juillet 2022
Déroutant et attachant, le nouveau Anderson décline l’amour dans une Amérique du milieu des années 70 prête à succomber à tous les excès.
- Réalisateur : Paul Thomas Anderson
- Acteurs : Sean Penn, John C. Reilly, Maya Rudolph, Tom Waits, Bradley Cooper , Benny Safdie, Alana Haim, Cooper Hoffman
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 2h13mn
- Date de sortie : 5 janvier 2022
Résumé : 1973, dans la région de Los Angeles. Alana Kane et Gary Valentine font connaissance le jour de la photo de classe au lycée du garçon. Alana n’est plus lycéenne, mais tente de trouver sa voie tout en travaillant comme assistante du photographe. Gary, lui, a déjà une expérience d’acteur, ce qu’il s’empresse de dire à la jeune fille pour l’impressionner. Amusée et intriguée par son assurance hors normes, elle accepte de l’accompagner à New York pour une émission de télévision. Mais rien ne se passe comme prévu…
Critique : Ils se cherchent et se fuient, se détestent autant qu’ils s’aiment, se désirent et se rejettent. Voici le destin contrarié de Gary et Alana qui se rencontrent par hasard lors d’une séance de photographie de classe. Lui est un flambeur, n’a pas froid aux yeux et est prêt à toutes les combines pour se faire une place dans la société. Elle est plus sombre, joue sur son magnétisme qui fait tourner la tête à plus d’un homme tout en cultivant une certaine retenue. Là où Gary est prêt à toutes les extrémités, Alana est plus mature, voire plus tempérée, quoique... Ils forment tous les deux un couple d’une irrésistible complexité, dans une Amérique déjantée et au bord du chaos.
Le nouveau long-métrage de Paul Thomas Anderson est d’une rare inventivité. Le récit est construit comme une succession de saynètes, toutes plus improbables les unes que les autres. Et pourtant, le film fonctionne magnifiquement. On se laisse emporter par cet univers coloré et burlesque. Il n’y a a priori aucune vraisemblance dans les situations que les personnages génèrent ou rencontrent. Mais la folie demeure le trait principal d’une narration qui met à l’épreuve deux êtres, amoureux mais dans la fuite l’un de l’autre. Il y a quelque chose du roman de Flaubert L’éducation sentimentale dans ce portrait d’un jeune fougueux et d’une jeune-femme plus âgée et réfléchie, qui passent leur temps à se refuser l’un l’autre, en cultivant une jalousie presque maladive. Ils se réunissent dans des aventures complètement incroyables où ils poussent les limites de l’imaginable, accompagnés de bambins totalement inconscients.
- Copyright 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.
Il est fort probable que Paul Thomas Anderson raconte à travers ce couple les affres d’une Amérique capitaliste qui n’a aucun frein dans son rapport au pouvoir et à l’argent. Le cinéaste égratigne sans vergogne le monde du cinéma avec ses réalisateurs véreux, ses stars capricieuses et irresponsables. Il n’oublie pas non plus l’univers de l’entreprenariat qui ne se soucie pas d’éthique et de morale. Même la politique est critiquée, dans le mensonge qu’elle profère, au mépris de l’intérêt du peuple. Licorice Pizza préfigure l’avènement d’un pays où l’individualisme prime sur le sens et la considération collective. En tous les cas, seul l’amour semble une raison suffisante pour continuer à vivre. Les personnages déambulent dans des décors tous plus inventifs les uns que les autres, et la musique des années 70 s’invite dans ces aventures rocambolesques où l’on se demande si le cinéaste ne crée pas une sorte de rêve éveillé.
- Copyright 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.
Une mention spéciale doit être faite aux deux comédiens principaux. Cooper Hoffman interprète un jeune homme rond, aussi attachant que détestable. Il traverse l’existence comme une série d’opportunités, passant petit à petit du gamin boutonneux à l’homme d’affaires sans limite qu’il sera. A ses côtés, il y a Alana Haim. La jeune femme porte son personnage à bout de bras. Elle est d’une indiscutable dignité, rehaussant par la même occasion le statut de la femme fortement mis en cause notamment par le monde du cinéma. La référence aux scabreuses histoires d’abus sexuels sur des comédiennes par des producteurs ou des réalisateurs semble une évidence. Mais Paul Thomas Anderson cultive l’ambiguïté. Il se plaît à raconter des histoires apparemment sans queue ni tête où le plaisir de la mise en scène l’emporte sur le mental. Il aime ses comédiens en leur offrant une panoplie de situations et de partenaires, presque à la façon du grand bazar Magnolia. Bref, voilà un film pour rire et rêver, et qui donne des ailes.
Galerie Photos
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G.G 11 janvier 2022
Licorice Pizza - Paul Thomas Anderson - critique
très bonne critique de ce superbe film avec toutes ses ambiguïtés