Un certain regard
Le 17 mars 2004
Sous couvert d’une enquête historique, Cercas fait ressortir la part d’humain existant en chacun. Un beau roman porteur d’espoir.
- Auteur : Javier Cercas
- Collection : Babel
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman & fiction
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Espagne, fin janvier 1939. Le soldat regarde l’homme tapi dans les fourrés, tremblant de peur. "Par ici il n’y a personne", crie-t-il. Puis s’en va. A partir de cette anecdote incroyable - comment l’écrivain et phalangiste de la première heure Rafael Sánchez Mazas a réchappé à une exécution collective, au moment de la débâcle des troupes républicaines - un journaliste enquête. D’abord incrédule, il est vite obnubilé par son sujet, hanté par cette scène, fasciné par le personnage complexe de Mazas. L’histoire s’avère vraie, il décide d’en faire un roman.
Aussi bien "récit réel" que "manipulation romanesque", selon les propres termes de son auteur, Les soldats de Salamine, avec son roman dans le roman, est à fois une investigation minutieuse, une reconstitution historique irréprochable, une plongée dans la genèse de la guerre civile espagnole et une tentative de comprendre comment certains hommes peuvent être poussés vers le fascisme. En présentant un portrait nuancé de Rafael Sánchez Mazas, créateur du fameux cri franquiste ¡ Arriba España !, il sous-entend que le monde n’est pas si partagé entre bons et méchants... Rien que pour cela, il vaudrait d’être lu.
Mais Les soldats de Salamine dépasse de loin la simple recherche de vérité historique. Une question lancinante le traverse de bout en bout : pourquoi le soldat a-t-il sauvé Mazas ? Ce à quoi Javier Cercas répond dans la troisième partie de son livre en retrouvant à Dijon un homme (magnifique portrait du dénommé Miralles - réel ? fictif ?) qui aurait pu être ce soldat au regard compatissant. Se déploie alors la mystérieuse part d’humain, celle qu’on pourrait appeller la bonté, celle qui permet à l’espoir de surgir dans des moments d’infinie désespérance. Raison pour laquelle ce beau roman qui n’en est pas vraiment un a ému l’Espagne entière, en lui proposant enfin une réconciliation avec son histoire douloureuse. Oui, l’homme a la liberté de dire non à la barbarie. Oui, le pardon peut exister. Et ceci vaut pour tous les conflits, même les plus fratricides.
Javier Cercas, Les soldats de Salamine (Soldados de Salamina, traduit de l’espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksander Grujicic), Actes Sud, coll. "Babel", 2004, 237 pages, 7 €
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