Le 26 mai 2017
Brut et sans concession, le nouvel album de CenZa suinte la rudesse de la rue et dresse le portrait d’un rappeur autodestructeur.
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Notre avis : Issu du groupe L’uZine, et alors que son pote TonyToxik se met lui aussi à de la trap en tout genre, CenZa affirme jusqu’au bout avec Les Prophéties d’une Plume son appartenance à un style old school, qu’il continue d’alimenter en 2017 avec la hargne intacte qui le caractérise. Sans ménagement pour qui que ce soit, le rappeur de Montreuil se rapproche bien plus de l’hardcore et du gangsta que nombreux de ses concurrents plus populaires dans les quartiers, avec leur imagerie à base d’armes et apologie de l’argent engendrant un simulacre bidonné de la vie de la rue. Trop aseptisé et vide de sens, ce rap se retrouve, depuis ses débuts maintenant, dans le viseur de CenZa qui en offre un contrepoint en tout point, armé de sa plume animée de ses années passées à Montreuil. Le style émanant de ce second album solo transpire la rue par la simplicité de ses boucles granuleuses et poisseuses, l’agressivité d’une écriture offensive et d’un flow crachant, le membre de L’uZine attaquant sans langue de bois les fruits amers de son dégoût. La liste est longue même s’il se dessine une récurrence particulière pour l’industrie musicale actuelle, démolie par des punchlines destructrices sur Fausse Note, faucheuse attitrée des Prophéties d’une Plume à l’égard de ce monde corrompu par l’argent. Habité par les convictions de son auteur, le projet insiste dès son premier morceau, Le Manuscrit, sur la notion de dénonciation et de rejet sur une instrumentale aux allures apocalyptiques. 9 minutes d’un morceau fleuve, exercice généralement situé en conclusion d’un album, ici en étonnante ouverture, écrasante, sombre et foisonnante de thématiques.
Ce même foisonnement entraîne cependant des liants parfois un peu branlants, des transitions en forme de raccourcis venant altérer la pertinence du propos et sa fluidité, que ce soit sur des bangers surpuissants comme Sur les P’tits Acte II ou pour des morceaux plus introspectifs et personnels comme Un Trou Noir dans un Gant Blanc. Cette envie de toucher à tout, multiplier les attaques, les sujets traduisent néanmoins une générosité évidente, avec un album de 20 pistes pour 1 heure 20, pas toujours digeste à la première écoute face à la richesse et la dureté du rap hardcore de CenZa. Sans aucune lueur d’espoir ou de lumière, Les Prophéties d’une Plume constitue une plongée glauque et malaisante dans une vision de l’humanité misanthrope, vaste dans les travers explorés et les manières d’y procéder, par le storytelling sur la prenante Faits Divers et la glaçante A Mes Pieds, par le freestyle ou le morceau à thème. Quasiment l’unique producteur de l’album, CenZa confère à ses textes une noirceur sans équivoque par ses boucles entêtantes empruntant autant à la East Coast des années 90 par ses notes de pianos sales (Exorcisme, T’es Vert) qu’à des influences plus diverses, plus orientales notamment (très proche de la musique de péplum), pour élever ses paroles au rang de prophéties justifiant le nom du projet. Car si le manque de mesure dans les lyrics peut engendrer une divergence d’opinions avec le rappeur de Montreuil, nul doute qu’il démontre un sens indéniable de la rime. Depuis le missile Mise à Flow sur le dernier album de Davodka on s’était familiarisé avec la vitesse extraterrestre de CenZa mais avec Les Prophéties d’une Plume le MC soigne la pluralité de ses phases, l’efficacité de ses phrases et la multiplication d’assonances avec l’aisance d’un rappeur qui élève sa passion au rang d’art lyrical brut.
Derrière son évidente sécheresse et une vulgarité très présente (avec un pic sur Les P’tits Acte II et Fausse Note) l’album se mue finalement en livre ouvert sur son auteur malade par ce qui l’entoure, bien plus poétique que son étiquette de rap hardcore le prétend. CenZa n’épargne rien et cela inclut de se remettre en question soi-même, l’occasion de laisser filer sa plume dans des morceaux réservés à l’introspection. Par Souvenirs, dont le titre seul indique la teneur du sujet, mais aussi Un Trou Noir dans un Gant Blanc, le rappeur de Montreuil donne à l’auditeur le moyen d’entrevoir sa vie passée et sa vie présente dans un climat pesant. La violence et la vacuité du quotidien s’échappant de ses morceaux amène l’immersion dans un univers dans lequel évolue le MC et donne les clés de compréhension à la radicalité de ses paroles. Devant autant de constats pessimistes on comprend le désir de CenZa de rester un Soldat de l’Ombre (l’un des meilleurs sons du projet), et face aux incalculables vérités balancées par le rappeur, aussi maladroites puissent-elles être prononcées, on l’y encourage.
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