Le 28 novembre 2016
Avec son concept à double tranchant, le rappeur Montpelliérain bouscule les oreilles et les habitudes de l’auditeur, connaisseur ou non de l’artiste. Un CD de boom bap, un CD de trap, un album de frappes.
- Date de sortie : 25 novembre 2016
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Notre avis : C’est tout juste au début de cette année 2016 que l’on avait quitté LaCraps, en compagnie de son pote Mani Deïz, avec 42 Grammes, projet culte à en devenir, fusion ultime entre un rappeur et un producteur, généreux avec ses 21 titres (et sa face B, 42 pistes au total donc) et d’une impressionnante cohérence musicale, en puisant ses influences dans ces albums cultes de la East Coast des années 90 (on pense à The Infamous de Mobb Deep notamment). Un pur album de sons à l’ancienne, si l’on excepte Insurgés, dernier morceau du projet. Dans un sens, cette légère incursion dans l’autotune et le beat plus moderne caractérisant la conclusion de 42 Grammes pourrait presque, avec notre regard actuel, se percevoir tel un symbole du virage stylistique à suivre adopté par le MC, et, au vu de l’attention accordée par LaCraps au contenu sous-jacent de ses projets, on ne s’en étonnerait même pas. Témoignage de sa volonté de ne rien laisser au hasard, son dernier projet, Les Preuves du Temps, s’affiche comme un juste milieu entre hip hop ancien et hip hop moderne, entre côté lumineux et côté obscur selon un mode de pensée archaïque venant d’une classe de « puristes » (coïncidence ou probablement pas, la pochette revêt parfaitement cette distinction). 10 morceaux de boom bap, 10 de trap. Aussi simple que ça ? Pas vraiment, non.
Dans une ouverture d’esprit et une aisance déconcertantes, LaCraps jongle au sein même de ses deux galettes entre différents sous-genres, marquées par la patte maintenant caractéristique du MC de Montpellier (« Brah brah brah brah ! »). Entre old school typé 90, un peu granuleux, assez en retrait, un autre typé 2000 plus percutant, des sons clouds lorgnant du côté de PNL (la bêtise en moins) et de l’égotrip trap qui mitraille, Les Preuves du Temps souligne la polyvalence d’un rappeur à l’apogée de sa (pour l’instant) courte carrière. Impossible à caser dans un hip hop aux codes définis, l’album emprunte autant de routes que possible sans jamais finir dans l’impasse, sans jamais laisser filer ou alléger l’importance des mots venant d’un des nouveaux patrons du multisyllabique. Ne pas tant se fier à Pas d’Thèmes, la violente droite lançant le CD 1, pour conclure hâtivement d’une écriture désarticulée revendiquée, certes, en particulier sur le disque trap, la cohérence thématique peine parfois à se dessiner, sur le featuring avec Davodka notamment, Flow Brasier, ni plus ni moins qu’une série de punchlines crachées au pif par deux bêtes de l’indé, pour autant, LaCraps élabore et soigne quelques morceaux à concept dont la force ne se discute pas. En premier lieu, le touchant et grave Bleu de Travail, l’occasion de réentendre la voix de Mokless et celle de Bonjour Tristesse (après avoir été samplée pour Ma Noirceur), puis le plaidoyer pour les gens du voyage, Mal-Aimés, constat amer et paradoxal de l’insertion des minorités en France. Surtout, plus que dans cette cohésion-là finalement, le rappeur brille par ses concepts lyricaux, inégalable lorsqu’il s’agit de lâcher une poignée de punchlines ou de construire un texte à partir de références sérielles (La Loi des Séries) et autres dictons (Le Dicton Dit 2).
Amoureux des mots donnant à la langue française ses lettres de noblesse, LaCraps peaufine avec Les Preuves du Temps sa maîtrise, amène sa sensibilité vers de nouveaux terrains, toujours accompagné de son équipe plus que talentueuse de LaClassic. Sur des productions trap, pour la plupart signées Nizi et OBL, le MC adapte son flow, le lisse par le biais du tant redouté vocodeur au cours de refrain entêtant (Les Preuves du Temps, Rarissimes), alternance entre diverses ambiances pour ce second CD, tantôt planant, tantôt rageux. Pourtant, de cet album en apparence plus commercial, et donc de ce disque trap, se dégage une grande maturité, que l’on retrouvait déjà sur les précédents projets, mais jusque là plus effacée dans les textes. Comme si LaCraps réalisait peu à peu la portée de sa voix, et bien qu’il ne soit ni « ton darron, ni un prophète », son micro est l’occasion de multiplier les prises de positions et les avertissements, y compris lors de morceaux orientés vers l’egotrip. (Rien n’a Changé). De son existence résulte quelques belles leçons de vie, loin d’ « engrainer les p’tits », le rappeur Montpelliérain cherche à les faire mûrir sans les (dé)moraliser.
« Et merde je sais que c’est utopique mais j’rêve d’éveiller les consciences ».
Pas si utopique que ça...
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