Le 18 octobre 2015
Une admirable ode à l’humain, à travers le destin grandiose et pathétique de quelques marins.
- Réalisateur : John Ford
- Acteurs : John Wayne, Thomas Mitchell, Ward Bond, Barry Fitzgerald, Ian Hunter
- Genre : Drame, Film de guerre, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Arcades Vidéo, L’Atelier d’images & the corporation
- Durée : 1h45mn
- Titre original : The long voyage home
- Date de sortie : 14 février 1945
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 20 octobre 2015
– Année de production : 1940
éditeur à créer : Arcadès ; L’Atelier d’images & the corporation
Une admirable ode à l’humain, à travers le destin grandiose et pathétique de quelques marins.
L’argument :Pendant la Seconde Guerre mondiale, un cargo irlandais en partance des États-Unis est chargé de transporter des explosifs jusqu’à Londres. Le périple inclut un passage aux Antilles. Mais, si le paysage change, la vie sur le bateau reste la même : beuveries et bagarres sont le quotidien de ces marins. Des soupçons se portent également sur l’un d’entre eux, qui pourrait être un espion allemand. Quant au matelot Olsen, il n’a qu’un idée en tête : rejoindre sa Suède natale.
Notre avis : Tourné en 37 jours, entièrement en studio, Les Hommes de la mer appartient à un sous-genre particulier chez Ford, celui du groupe d’hommes liés par une mission. Mais comme dans ses plus grandes œuvres, le cinéaste parvient à une individualisation forte, et donne à plusieurs personnages une profondeur et une humanité très dense. C’est que le scénario est construit en longues séquences autour d’un marin, et chacune d’entre elles se clôt de manière dramatique . Le seul à s’en sortir, Olsen, joué par John Wayne, grand gaillard maladroit et materné par les autres, profite de la solidarité (on vient le chercher après un traquenard sur un rafiot) , mais le film laisse hors-champ son échappée, préférant se concentrer sur ceux qui restent. Comme s’il fallait payer un tribut, c’est un autre marin qui périra « à sa place », en quelque sorte. La mer réclame son lot de cadavres et de sacrifiés. Ce regard pessimiste, ou pour mieux dire profondément mélancolique, mais d’une mélancolie métaphysique, transparaît dans le dernier plan peu à peu tout entier gagné par l’ombre.
Peut-être n’y a-t-il jamais eu d’aussi beau film sur la condition de marin ; Ford rejoint ici les grands romans de Melville, associant l’homme et la mer en un pacte tacite et ambigu, puisque tous ne rêvent que de regagner la terre et tous savent ou feignent d’ignorer qu’ils ne le feront pas. L’un des premiers dialogues parle à leur propos de « héros méconnus ». C’est bien ce qu’ils sont, mais à la manière dont le cinéaste voit l’humanité : les hommes sont un mélange de veulerie et de courage, de noirceur et de noblesse, mais ceux auxquels il s’attache , malgré leur forfanterie, atteignent une grandeur sans emphase. On pense au laboureur de La Fontaine, à ce sens du devoir qui les pousse accomplir ce pourquoi ils sont sur terre : ils ont beau gémir sans cesse, leur vie est communautaire et maritime.
Si le scénario est habile, mêlant les tonalités, ancrant dans des détails des échos signifiants (voir par exemple les ronds de fumée ou le perroquet), c’est bien la mise en scène qui hisse le film jusqu’à l’admirable. Ford n’a pas son pareil pour suggérer des sentiments par des cadrages somptueux et un travail magnifique sur le noir et blanc : c’est un travelling sur des hommes accoudés qui révèle leur mélancolie du départ ; c’est encore, dans la longue scène où le secret de Smith est éventé, ces regards qui s’abaissent , ces visages sculptés dans l’ombre et le halo lumineux. Pour ne rien dire de la séquence de la tempête, véritable morceau de bravoure aux confins de plusieurs styles avec un éclairage qui frise l’expressionnisme, ou celle de l’attaque aérienne qui se conclut par une émouvante surimpression. Partout la maîtrise éclate, d’autant que le chef opérateur est Gregg Toland, celui-là même qui collabora à Citizen Kane, Mais cette esthétique soignée , loin d’être gratuite, fait peser sur le film un sentiment tragique qui dépasse largement l’anecdote pour creuser des destins individuels dans des situations de crise. On l’a compris, ce Ford méconnu, ignoré à cause de la période historique mais aussi parce qu’il s’inscrivait dans une longue suite de chefs-d’œuvre , n’est pas un film mineur destiné aux seuls spécialistes : beau, intelligent, sensible, profondément humaniste, il méritait bien de ressortir dans une copie qui lui rend parfaitement justice.
Les suppléments :
Une analyse assez complète de Julien Léonard, qui revient sur de nombreux aspects du film (20mn).
L’image :
Belle restauration qui respecte l’âge du film en le débarrassant de quasiment toute scorie et en mettant en valeur la qualité du noir et blanc sans éliminer tout à fait le « grain cinéma ».
Le son :
Ni souffle ni parasite mais la piste DTS-HD master audio 2.0 garde quelques chose d’ éraillé voire de strident.
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