Aimer, c’est le terrible péché que commet Heinz Heger. Parce qu’il a aimé un homme, il sera arrêté à Vienne en mars 1939, jugé puis déporté vers le camp de concentration de Sachsenhausen-Oranienbourg.
L’homosexualité n’est pas seulement condamnée et qualifiée de "dérangement mental" par les nazis, elle l’est aussi par les autres détenus, ce qui place les hommes au triangle rose au plus bas rang de la société du camp. Comment survivre face au mépris de tous, aux avances, aux insultes sans cesse plus humiliantes, aux tortures, aux menaces d’ignobles expériences médicales ? Une seule solution pour le narrateur-personnage : offrir son corps, se prostituer, se mettre sous la protection du plus fort, le surveillant. Car, comble de l’hypocrisie, quasiment tous les kapos, s’attribuent un "ami", tout en clamant qu’eux sont de vrais hommes, qu’ils ne sont pas des "cochons de pédés". Dans ces conditions avilissantes d’une cruauté inouïe, la survie de Heinz Heger tient tout simplement du miracle.
La préface de Jean Le Bitoux nous rappelle que l’homosexualité est encore de nos jours considérée par certains comme une infamie, un état contre-nature qui ne mérite pas d’être évoqué lors des commémorations de la guerre. La "littérature des camps" a d’ailleurs rarement abordé ce sujet resté d’une certaine manière tabou. La réédition du livre de Heinz Heger [1] n’en est que plus justifiée. Dérangeant parce qu’il ouvre la question de la sexualité dans les camps, il reste avant tout le récit bouleversant d’un homme qui a tout fait pour rester en vie. Et qui trouve les mots pour le dire, avec sincérité et courage, sans détour. Un témoignage indispensable.