D’art d’actes
Le 16 février 2017
L’apothéose de la carrière d’un grand réalisateur, qui dépeint dans un film exceptionnel l’agonie d’un artiste confronté à un régime totalitaire.
- Réalisateur : Andrzej Wajda
- Acteurs : Aleksandra Justa , Boguslaw Linda, Zofia Wichlacz, Krzysztof Pieczynski, Mariusz Bonaszewski
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Polonais
- Durée : 1h38mn
- Titre original : (Powidoki)
- Date de sortie : 22 février 2017
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Résumé : Dans la Pologne d’après-guerre, le célèbre peintre Władysław Strzemiński, figure majeure de l’avant-garde, enseigne à l’École Nationale des Beaux Arts de Łódź. Il est considéré par ses étudiants comme le grand maître de la peinture moderne mais les autorités communistes ne partagent pas cet avis. Car, contrairement à la plupart des autres artistes, Strzemiński ne veut pas se conformer aux exigences du Parti et notamment à l’esthétique du « réalisme socialiste ». Expulsé de l’université, rayé du syndicat des artistes, il subit, malgré le soutien de ses étudiants, l’acharnement des autorités qui veulent le faire disparaître et détruire toutes ses œuvres.
Un chef-d’œuvre. C’est ainsi, et pas autrement, qu’il faut qualifier le dernier film du réalisateur polonais Andrzej Wajda, décédé en octobre 2016 à l’âge de 90 ans. Fasciné par l’art et plus particulièrement la peinture, ayant lui-même étudié à l’Académie des Beaux-arts de Cracovie, c’est au crépuscule de sa vie et de sa carrière de cinéaste qu’il a choisi d’évoquer le destin brisé de l’artiste Władysław Strzemiński. Homme intègre, artiste exigeant, ce peintre et théoricien de l’art est l’un des artistes polonais les plus accomplis, fondateur du Musée d’art moderne de Łódź en 1934, le musée ayant la deuxième plus grande collection d’œuvres au monde.
Le film dépeint les quatre dernières années de sa vie, de 1949 à 1952, faisant ainsi un parallèle édifiant entre la longue déchéance de l’artiste et la soviétisation de la Pologne. La période stalinienne de la Pologne socialiste a entraîné la fin du multipartisme et des libertés civiles ; les conséquences furent dramatiques pour la population et les artistes, qui se sont vus imposer un style unique : le réalisme socialiste. Quand la liberté artistique rencontre un pouvoir totalitaire, il ne peut y avoir que de la casse…
- KMBO
Le long-métrage raconte les heurts entre Władysław Strzemiński et la politique culturelle du parti unique. En s’opposant à la censure communiste, en refusant les dogmes du réalisme socialiste, l’artiste s’est mis aussitôt en grand danger, notamment parce qu’il était une personnalité reconnue en Pologne, à la fois admirée du grand public et adorée par ses étudiants et ses contemporains.
Le film dépeint un être imparfait, borné et égoïste, qui ne vit que par et pour son art. En lui enlevant la possibilité de créer, la dictature stalinienne le prive de tout espoir en l’asphyxiant littéralement pour qu’il se plie à ses exigences. Et c’est précisément en montrant cette agonie, cette longue déchéance d’un artiste qui a marqué de son vivant l’histoire de l’art polonais que le réalisateur déploie son propre génie.
- KMBO
Si le film ne dure « que » 1h38, c’est parce que l’engrenage infernal se met en place à un rythme insoutenable, et que la rapidité d’un scénario efficace rejoint une mise en scène dynamique qui entraîne le spectateur dans le gouffre qu’a connu progressivement Władysław Strzemiński. D’abord licencié de l’école qu’il a créée, l’artiste est ensuite exclu peu à peu de la société et connaît des jours difficiles qui vont fragiliser son esprit et son corps.
En s’appuyant sur des documents d’époque et des extraits de film, Les fleurs bleues rappelle la propagande qu’ont dû subir les Polonais, au mépris de toute liberté de conscience. Il rappelle également à quel point une dictature peut s’installer rapidement, privant le commun des mortels de toute liberté et laissant les artistes au ban de la société s’ils ont le malheur d’exprimer une autre idée.
Le titre polonais du film, Powidoki, rappelle d’ailleurs la théorie développée par Władysław Strzemiński, qui pensait qu’une image restait imprimée sur la rétine après que l’individu l’ait contemplée. En s’appuyant sur la Théorie de la vision, écrite par l’artiste dans les années 50, juste avant sa mort de la tuberculose, Andrzej Wajda évoque à la fois l’asphyxie politique qu’a connu son pays au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais également la facilité avec laquelle un groupuscule peut imposer ses idées à tous, au mépris des libertés individuelles.
- KMBO
Pour exposer cette répression qui s’abat sur un homme vu jusque-là comme le maître de l’avant-garde polonais et comme l’un des esprits les plus brillants de son pays, il fallait un acteur exceptionnel, capable de représenter la force mentale de Władysław Strzemiński, palpable dans un corps brisé par la guerre. Le peintre avait en effet été amputé de la jambe droite et de l’avant-bras gauche à la suite de blessures au front. Andrzej Wajda offre à l’acteur, réalisateur et scénariste Boguslaw Linda son plus grand rôle. L’acteur parvient à donner une nuance considérable à un homme qui voit sa vie détruite devant ses yeux, sans pouvoir se défendre efficacement. Sa raideur et son jeu intériorisé font merveille à chaque tableau, au cœur d’un film qui défend l’art et rappelle que la culture est essentielle dans un pays. Un pur bijou !
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