Les clips de rap français de mai et de juin 2019

Notre avis : Double ration de clips, avant le grand trou des grandes vacances. Trois articles pour ces chroniques et déjà une faute de régularité, on se croirait dans Une semaine de rap français. Pour oublier (un peu) cet écart et parce que la sélection était loin d’être dégueulasse, voici le mois de mai qui s’incruste dans le focus sur le mois de juin. Si la canicule ne nous tue pas (parole d’un breton à l’écart du pire), on reprendra les chroniques sur de bons rails avec le mois de juillet et d’août, qui s’annoncent aussi bouillants qu’un reptilien en hypothermie qui habite dans la neige (©Freeze Corleone). Entretemps, profitons de ce qu’on nous offre.

Mai :

Sneazzy – J’ENCAISSE
De toutes les personnalités importantes (ou en tout cas assez visibles) du rap francophone, Sneazzy est probablement dans le top 10 de celles qu’on aime le moins. Alors oui, pour ce qui est de donner envie, ça commence mal. Pourtant, ce n’est pas à contrecœur que J’ENCAISSE est présent dans ce classement, et sa place en haut des clips du mois de mai n’est pas non plus un hasard (même si cet article n’a pas vocation à classer). On tient ici l’un des meilleurs clips de l’année pour l’instant, et l’un des meilleurs sons de Sneazzy également. Depuis quelques temps le rappeur s’en est pris quand même pas mal dans la tronche et J’ENCAISSE cristallise la ténacité de l’ancien de 1995 à ne pas abandonner, malgré tout. L’une des forces du morceau est la manière dont il convoque à la fois les coups donnés de manière personnelle, directement pour Sneazzy, comme ceux donnés de manière moins ciblée, venant de l’Etat par exemple. Le clip de Syrine Boulanouar, en plus de proposer une esthétique absolument incroyable, repose sur un concept plein de sens, à la fois cohérent avec le morceau et différent, offrant une lecture supplémentaire et complémentaire à celle du son à proprement parler. Sneazzy encaisse beaucoup, nous on encaisse J’ENCAISSE. Chacun ses problèmes.

Kobo – Nostalgie x Succès
Un double clip aussi beau qu’ésotérique. Tourné à Kinshasa, on avoue ne pas tout comprendre à ce court-métrage qui réussit néanmoins à nous parler par la sensibilité qui se dégage des images. Le lien entre Nostalgie et Succès n’était pas des plus évidents, mais Kobo et Antoine Besse parviennent à donner un fil conducteur finalement logique à ces deux morceaux, loin d’être les plus accessibles de Période d’Essai (cela vaut surtout pour Succès). De tous les clips de Kobo, celui-ci se hisse comme le plus foisonnant artistiquement parlant, mais également comme celui qui touche le plus l’auditeur.

Kemmler – Personne
Simple mais en même temps tellement ingénieux et évocateur. Le son à écouter et à voir quand tu ne fais rien de ta vie et que cela ne te réjouit pas plus que de raison. Particularité de ce clip, mise à part son esthétique bricolée touchante : il a été réalisé par des élèves de deuxième année à l’école GOBELINS.

Bolémvn – Au Cœur de la Street
De toute cette sélection et de tous les clips qu’on a vu ces deux derniers mois, Au Cœur de la Street n’est pas celui qui marque le plus la rétine. Pour autant, c’est celui qui donne le plus le sourire. De la joie, de la convivialité, du partage, une atmosphère chaleureuse, voilà ce que nous propose la réalisation de Andy Shakur. On la retient donc plus pour ce qu’elle évoque dans son ensemble, que pour le travail formel finalement assez classique de cette dernière.

2Zer – Galérer
Dans le genre convivial, le clip de 2Zer n’est également pas mal du tout. Cela commence comme une vidéo assez simple, jolies lumières néons, rap en face cam, petits moves de caméra au stabilisateur, oh puis tiens t’as Framal, puis Mekra, Doum’s aussi ? Alpha Wann ?? Nekfeu ??? En fait, c’est tout l’entourage (quasiment) que 2Zer, Jean Guillosson et Reeko ont réuni pour ce clip et rien que cela parvient à nous donner le sourire. Le son y est également pour beaucoup. Ça donne envie de flex tout ça.

Juin :

Cheu-B – Tout va Bien ft Siboy
Lourd, le morceau cainri. Banger du mois de juin, facile.

Vladimir Cauchemar - Elévation ft Vald
 ?

Spider ZED – Tous les Gens ft Léo Roi
 ?

Lefa – Fame
Il y a quelques jours de cela un ami me disait, pour qualifier Lefa, "ah ouais, c’est le mec qui enfonce des portes ouvertes", ce qui m’a légèrement fait tiquer. Certes, le rappeur parisien pointe parfois du doigt l’évident, mais c’est surtout l’un des seuls à ne pas hésiter à ouvrir sa gueule, pour tacler sans retenue ce qui peut le saouler. Depuis son retour en 2015, mais surtout depuis son album Visionnaire, Lefa s’est bâti autour de principes moraux inflexibles qu’il affiche via une écriture affûtée, toujours généreuse en punchlines qui piquent, teintées de défaitisme. Premier single de son prochain album, Fame égratigne avec sécheresse la course à la célébrité, tandis que le clip de Akim Laouar Aronsen délivre son enchaînement de plans percutants, et surtout contrebalance l’aspect désabusé du morceau par une fin d’une simplicité à la fois émouvante, puis crue. L’imagerie, déployée sur les dernières secondes, suffit pour conclure avec force ce que Lefa désire exprimer à travers ce sujet.