L’insoutenable légèreté de l’être
Le 28 avril 2024
Après le déroutant et mineur Homme au bain, Christophe Honoré revient à la comédie musicale dans un film qui traverse les époques.
- Réalisateur : Christophe Honoré
- Acteurs : Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier, Catherine Deneuve, Louis Garrel, Paul Schneider , Michel Delpech, Rasha Bukvic, Miloš Forman
- Genre : Comédie dramatique, Musical
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h15mn
- Date de sortie : 24 août 2011
- Plus d'informations : Le site officiel du film
- Festival : Festival de Cannes 2011
Résumé : Du Paris des sixties au Londres des années 2000, Madeleine, puis sa fille Véra vont et viennent autour des hommes qu’elles aiment. Mais toutes les époques ne permettent pas de vivre l’amour avec légèreté. Comment résister au temps qui passe et s’attaque à nos sentiments les plus profonds ?
Critique : On court tous après le bonheur. Et si ce dernier semble la plupart du temps inaccessible, voire illusoire, cela ne nous empêche de vouloir nous en rapprocher. En suivant le parcours de deux femmes, à différentes époques de leurs vies, Christophe Honoré ne filme pas autre chose qu’une quête du bonheur. Comme dans Non ma fille, tu n’iras pas danser, il est en effet encore question pour les personnages de choisir quelles directions vont prendre leurs vies. Seulement, ici, en optant pour une forme plus romanesque (l’histoire s’étale sur quarante-cinq années), Les Bien-Aimés montre aussi l’influence des différentes époques sur les personnages. Ce qui s’accorde d’ailleurs parfaitement avec le cinéma d’Honoré qui, s’il se nourrit toujours de Demy ou Truffaut (entre autres), se détache de plus en plus du maniérisme vain que l’on pouvait reprocher à Dans Paris ou Les Chansons d’amour.
Le film débute en 1963. On y suit Madeleine, jeune (Ludivine Sagnier), qui travaille dans un magasin de chaussures de luxe. Envieuse de ne pouvoir s’en offrir, elle décide un jour d’en voler une paire. Elle ne le sait pas encore mais cet acte va conditionner une partie de sa vie. En effet, alors qu’elle se pavane dans la rue, chaussures aux pieds, elle est prise pour une fille de joie par un passant. Madeleine se prend au jeu et c’est comme ça qu’elle rencontrera un médecin tchécoslovaque avec lequel elle aura une relation passionnelle. En plein milieu des années 60, Madeleine semble pouvoir tout se permettre et rester « une femme légère », comme elle le chantera (les passages chantés s’apparentent d’ailleurs davantage à des monologues intérieurs qu’à des respirations hors de l’action). En suivant dans une seconde partie le destin de Vera (Chiara Mastroianni), Honoré traverse les époques et, si Vera a hérité de la même légèreté que sa mère, les différentes époques ne permettent plus forcément cette légèreté. L’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 sonne déjà comme un premier changement, la perte d’une certaine innocence, que les années SIDA puis les attentats du 11 septembre 2001 viendront confirmer.
Mais Les Bien-aimés n’a pas de volonté sociologique, pas plus qu’il ne donne le sentiment d’une certaine nostalgie. Il se fait en réalité le témoin du temps qui passe et d’un passé qui, qu’on le veuille ou non, fait aussi notre présent et bouleverse nos comportements. La force de ces personnages (outre leurs interprètes, toutes et tous formidables), c’est de rester fidèle à leur légèreté, quitte à en assumer les conséquences, aussi tragiques qu’elles puissent être. Et Christophe Honoré démontre une nouvelle fois un vrai talent à confronter l’amour et la mort. Il atteint également une belle justesse dans la description éminemment complexe des sentiments amoureux. Bien-aimés ou mal-aimés, le cinéaste filme des personnages incroyablement humains, avec leurs failles, leurs défauts, mais qui aspirent à vivre la vie qu’ils entendent vouloir vivre. Madeleine aura d’ailleurs cette phrase : « Je ne crois pas au bonheur mais ça ne m’empêche pas d’être heureuse ». Dans Les Bien-aimés, les personnages ont depuis longtemps renoncé au bonheur mais certainement pas à être heureux. Peu importe le prix.
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Jujulcactus 21 septembre 2011
Les bien-aimés - Christophe Honoré - critique
Pas franchement enthousiaste à l’idée de voir le nouveau Christophe Honoré, je m’attendais à un objet musical gnangnan et chiant mais finalement je serais plus nuancé. Et étrangement ce n’est pas le caractère musical du film qui m’a dérangé, au contraire j’ai même trouvé que les compositions (assez inégales) apportaient une certaine légèreté et un certain charme à l’ensemble. Non, ce qui m’a dérangé c’est la faiblesse d’un scénario qui veut parler d’un peu tout et qui ne parle finalement de rien, et qui ne justifie pas sa durée excessive de 2h20 ! Et c’est logique qu’avec une fragmentation chronologique aussi marquée (des années 60 à nos jours en plusieurs étapes), les « bien-aimés » lassent. Le charme de la chansonnette est néanmoins porté par un casting convaincant, et notamment dans la seconde partie par le charme ténébreux d’une Chiara Mastroianni étonnante. Catherine Deneuve semble elle aussi dans son élément, par contre Ludivine Sagnier énerve au plus au point, elle plombe par sa faute tout le début du film. Tissant de nombreuses sous-intrigues autour de ses personnages, le réalisateur touche parfois assez juste, parfois beaucoup moins et l’ensemble manque clairement de relief et d’émotion. Un peu à l’image de la bande originale, « les bien-aimés » est un objet plat et assez vide mais pourtant loin d’être désagréable.