Le 29 avril 2024
Avec Le Lycéen, Christophe Honoré nous honore de son film le plus personnel, miroir des souvenirs de son adolescence meurtrie par la mort de son père. Une éducation sentimentale à la première personne, parsemée d’une dimension onirique du plus bel effet, à marquer d’une pierre blanche.
- Réalisateur : Christophe Honoré
- Acteurs : Juliette Binoche, Pascal Cervo, Vincent Lacoste, Anne Kessler, Christophe Honoré , Paul Kircher, Erwan Kepoa Falé, Adrien Casse
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Teen movie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 4 août 2023 00:52
- Chaîne : Canal+
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 30 novembre 2022
- Festival : San Sebastian International Film Festival
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Résumé : Lucas a dix-sept ans quand soudain son adolescence vole en éclats. Il voit sa vie comme une bête sauvage qu’il lui faut dompter. Alors que son frère s’est installé à Paris et qu’il vit désormais seul avec sa mère, Lucas va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.
Critique : Cinéaste prolifique, Christophe Honoré nous revient avec son film le plus intime et personnel où le personnage principal, Lucas, un adolescent meurtri par la mort subite de son père, va soudain tout remettre en cause et entreprendre un chemin intérieur au cœur de son subconscient tel un flux de conscience à la fois sensible et survolté, onirique et tourmenté, bercé par la voix si particulière de Paul Kircher, lauréat du Concha d’argent de la Meilleure interprétation au dernier Festival de San Sebastián. Honoré orchestre sa mise en scène autour de Lucas, miroir déformant de son adolescence passé. Le plus beau est qu’il ne cherche pas à singer son propre double mais au contraire de laisser suffisamment d’espace à son acteur principal et permettre à Paul Kircher d’apporter sa propre couleur et une sensibilité à fleur de peau. La séquence d’ouverture en est une parfaite démonstration. Lucas, regard caméra, sur fond noir, nous adresse de premiers mots hésitants, balbutiants, parsemés de pensées et d’évocations en apparence disparates et désordonnées, ce qui se révèlera être la structure même du film, une narration et une mise en scène qui ne font qu’un.
- Copyright Jean Louis Fernandez
Après le choc, vient le deuil. Survient alors l’odyssée parisienne de Lucas. Cette envolée lyrique, Honoré va la traduire à travers une réalisation organique, onirique, à la frontière du fantasme, avec des ralentis heurtés et des moments de contemplations parfois abstraits, où nos sens les plus aigus se perdent dans un kaléidoscope de sensations. On touche ici à la quintessence du cinéma du coming of age avec un travail marqué sur la perception du temps durant l’adolescence, ce temps qu’Honoré qualifie de "grand désert", un désert abstrait et fantomatique d’où sourd une profonde mélancolie. Le Lycéen est également un film d’une puissance évocatrice unique sur la solitude et l’errance adolescente. Dès le début, quand Lucas échange avec son père, incarné par Christophe Honoré, dans la voiture, il semble déjà ailleurs, comme perdu dans les limbes. Ce mal-être lancinant parcouru par Lucas va transparaître tout le film par petites touches comme lors d’un karaoké semblable à un chassé-croisé amoureux, une scène de post-amour baignée dans une atmosphère presque irréel à la photographie rose dragée ou bien encore une promenade nocturne, ou devrais-je dire une rêverie, où Lucas déambule dans un Paris chimérique et inanimé, aux images surréalistes.
- Copyright Jean Louis Fernandez
Honoré puise également son inspiration dans le cinéma de Gus Van Sant, plus précisément dans sa tétralogie de la mort, et propose une sorte d’écho, une réinvention de la séquence culte de la douche issu de Paranoid Park, où un autre adolescent en crise, Alex, se renfermait sur lui-même après avoir tué involontairement un veilleur de nuit. La séquence de la douche, scène pivot du film, laissait entrevoir un gosse rongé par la culpabilité se laissant emporter dans son subconscient fantasmatique avec un sound design unique. Même constat dans Le Lycéen où Honoré fait de la douche un espace mental entre fiction et réalité, ponctué de flashs rouge sang, où Lucas tente de s’extirper de sa dépression. En définitive, Le Lycéen est un retour en force pour Christophe Honoré, qui se montre plus inspiré que jamais avec cette chronique adolescente, qui n’a rien d’un auto-portrait ni d’un exercice de style vain, bien au contraire, c’est un film d’une majesté insolente sur le deuil, l’amour, le sexe, et, par dessus tout, la sublimation. Chapeau bas !
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