Vivre sa vie
Le 5 mars 2003
Conte de fée très noir : un très beau film, troublant et singulier.
- Réalisateur : Lynne Ramsay
- Acteur : Samantha Morton
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Festival : Festival de Cannes 2002
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– Durée : 1h33mn
– Titre original : Morvern Callar
Avec ce conte de fée très noir, Lynne Ramsay signe un très beau film, troublant et singulier : l’histoire d’un deuil initiatique.
Brillamment adapté du roman d’Alan Warner, Le voyage de Morvern Callar est une épreuve, tant pour le protagoniste que pour le spectateur. Mais ce voyage vaut le détour, incontestablement. Un matin, Morvern Callar découvre ce que la vie lui a réservé : son compagnon s’est suicidé. Du haut de ses vingt et un ans, la jeune fille mène toute seule le travail de deuil. Et quel travail ! Car Morvern, généreuse et insaisissable, vit les choses à sa manière et dispose du cadavre d’une façon très personnelle.
La grande surprise de ce film, c’est l’attachement que l’on parvient à éprouver pour Morvern. Un vrai tour de force de la part de la réalisatrice, qui s’étonnait elle-même de ce personnage de roman : "comment arrive-t-elle à rester sympathique tout en faisant tout ça ?". Lynne Ramsay, dont c’est le deuxième long-métrage, n’a rien laissé au hasard. Son équipe, de la direction de la photographie au montage, sert admirablement bien le propos. Le casting est parfait. Samantha Morton, découverte dans Accords et désaccords de Woody Allen, a déjà conquis les réalisateurs exigeants, d’Amos Gitai à Jim Sheridan, en passant par Spielberg.
La comédienne donne au personnage tout le naturel nécessaire pour lui conférer cette curieuse personnalité : à la fois moche et jolie, garçonne et féminine, vulgaire et naturelle, perdue et déterminée, coupable et innocente. Tout se joue dans les contrastes, même les lieux (l’Ecosse et l’Espagne, le site touristique et le vrai désert). Et partout, la solitude. Même en présence de sa copine Lanna, pétillante fêtarde un peu frivole (il faut saluer au passage le jeu de Kathleen McDermott, dont c’est la première apparition à l’écran !).
Dans une scène capitale, qui ne dure qu’une minute, peut-être deux, Morvern change le cours habituel des choses. Elle porte des lunettes de soleil... pour ne pas voir. Ne pas voir, ne pas entendre. Où qu’elle aille, même en boîte de nuit, Morvern a son Walkman vissé sur les oreilles, et se passe en boucle la compilation enregistrée par son compagnon suicidé. Cette musique presque interne indique ce qui se passe dans sa tête, elle qui ne formule pas ce qu’elle ressent, mais qui le ressent si intensément. L’image syncopée, fragmentée, elliptique, traduit le regard singulier qu’elle porte sur le monde. Ce film est l’histoire d’un parcours indicible.
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