Fruit défendu
Le 5 avril 2005
Après Big fish, Daniel Wallace continue de dépoussiérer le merveilleux et de slalomer au cœur des légendes modernes. Subtil, étonnant et drôle, Le roi de la pastèque est un modèle du genre.


- Auteur : Daniel Wallace
- Editeur : Autrement
- Genre : Roman & fiction

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Voilà bien un roman impossible à classer, surprenant et drôle, sacrément réussi, débordant d’une fausse naïveté et rédigé par une plume géniale et inspirée. Ceux qui connaissent Big fish (ou qui ont vu l’adaptation de Tim Burton), ne seront sans doute pas surpris par l’univers créé ici par Daniel Wallace. Un monde débordant de magie et de légendes, dans lequel les gens ordinaires occupent une place à part entière. Un monde sur lequel la réalité a peu d’emprise, tant les traditions et les élucubrations ont la peau dure.
Il est ici question d’Ashland, petit bled américain au sein duquel, chaque année, est élu le Roi de la pastèque. Comprenez par là que l’on porte aux nues le plus vieux puceau du village (mais il est jeune quand même, disons qu’il dépasse tout juste dix-huit ans) qui, coiffé d’une pastèque évidée, se voit déflorer par une jeune fille au milieu d’un champ après une longue journée de festivités. L’intérêt de tout ça ? Favoriser la fertilité de la terre pour perpétuer l’abondante récolte de pastèques, fruit mythique dont Ashland tire sa réputation. Un beau matin, le jeune Thomas Rider débarque dans les rues d’Ashland, cherchant à tout savoir du passé de Lucy, sa mère, morte durant son accouchement. Lucy a habité là durant un petit moment. Suffisamment longtemps pour que chaque habitant du village se souvienne parfaitement d’elle. Un à un, Thomas va écouter les témoignages de ceux qui l’ont connue et tenter de faire émerger ses racines, désormais plongées dans une terre aride qui a cessé de donner des pastèques.
Voilà pour l’idée générale. Mais le coup de génie de Daniel Wallace tient dans la construction du roman. D’abord bâti comme un jeu de pistes grâce aux témoignages successifs des bras cassés d’Ashland, on fouine dans le passé de la mère de Thomas en même temps que le jeune homme. La vérité pointe peu à peu son nez, et le récit prend progressivement son envergure. Une envergure qui ne cesse de croître grâce à l’imagination fertile de Daniel Wallace et de tous les personnages qu’il met en scène, éclopés de la vie, gentils illuminés, traditionnalistes extrêmes... Roman de la recherche de soi, de la quête de sens et d’identité, Le roi de la pastèque se savoure comme ce fruit sucré qui rafraîchit durant une grosse chaleur et qu’on termine en se léchant les doigts.
Daniel Wallace, Le roi de la pastèque (The watermelon king, traduit de l’américain par Laurent Bury), Autrement, coll. "Littératures", 2005, 228 pages, 14,95 €