Le Retour - La chronique BD

Le Retour est un étrange cube à tiroir. Une œuvre aussi intrigante, finalement, que son sujet. Duhamel déroule de manière déstructurée les éléments de la vie de Cristobal en parallèle de l’enquête menée pour découvrir les vraies raisons de sa mort, si vraies raisons il y a...
Enchaînement de situations et d’événements sautant entre différentes périodes du passé et du présent, la lecture complexe de prime abord se simplifie quand on prend le rythme des allers et venues temporelles. La référence de cette structure et de son sujet apparaît évidente : Citizen Kane d’Orson Welles. D’ailleurs, la masse imposante de Cristobal n’est pas sans rappeler le vieil Orson Welles barbu à la stature de colosse. Comme dans Citizen Kane, plusieurs personnages apparaissent et détiennent une pièce du puzzle, qu’ils partagent ou non avec l’enquêteur mais que le lecteur découvrira de toute manière au hasard des sautes temporelles.

Attention, Cristobal n’est pas un magnat de la finance mais un artiste, un artiste total, au sens où il fait non pas de sa vie, mais de son île natale une œuvre d’art, pour la préserver des requins de la finance et du tourisme, prétend-il. Démarche folle ? Pas tant que ça car l’inspiration de Cristobal vient d’un artiste contemporain, César Manrique, qui eut le même projet pour une île des Canaries au siècle dernier. Manrique décéda aussi dans un accident de voiture. Mais Duhamel, l’auteur, s’empresse de préciser dès l’introduction, « tout est faux », référence à Balzac et sa comédie humaine. Manrique est une inspiration, cependant Le retour n’est pas une biographie de l’artiste mais une plongée dans la confrontation entre l’art et la réalité pragmatique de notre monde, dans les raisons nobles et celles moins nobles qui forgent les actions d’un homme. Le trait enlevé de Duhamel sait donner place autant aux paysages volcaniques et rudoyés par le soleil de Lanzarote, l’île de Cristobal, qu’aux passions ténébreuses ou lumineuses qui hantent le cœur des hommes et qui nous apparaissent dans leur regard, leur gestuelle ou leurs attitudes.

Le Retour, une BD ambitieuse qui vise juste. La curieuse histoire un peu folle d’un homme qui s’opposa à la marche du monde de ses frères humains. Y est-il parvenu ? La réponse se trouve dans les pages de ce recueil.