Godard Land
Le 12 septembre 2017
Les gardiens du temple auront beau crier au scandale, Michel Hazanavicius trouve en le mythe de Godard la matière idéale pour reconduire les mystifications et facéties qui ont fait ses succès. Un collage audacieux mais aussi parfois sapé par un léger arrière-goût de toc.
- Réalisateur : Michel Hazanavicius
- Acteurs : Louis Garrel, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois, Jean-Pierre Mocky, Stacy Martin, Micha Lescot, Romain Goupil, Tanya Lopert, Félix Kysyl
- Genre : Comédie dramatique, Biopic, Romance
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 23 mai 2024 22:40
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 13 septembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Paris 1967. Jean Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne {La Chinoise} avec la femme qu’il aime, Anne Wiazemsky, de vingt ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean Luc une remise en question profonde. Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean Luc va le transformer profondément : il passe de cinéaste star en artiste maoïste hors système aussi incompris qu’incompréhensible.
Critique : Après The Search, film de guerre tire-larmes qui passait presque pour une mauvaise plaisanterie dans une filmographie surtout dédiée à la facétie (Le Grand détournement, OSS 117, The Artist), Hazanavicius braque son regard sur les années Mao de Godard. Et il ne s’agit toujours pas d’une blague. Pour autant, le cinéaste dispose cette fois d’un sérieux atout : outre la caution Louis Garrel - fils de Philippe, copain de JLG -, la réussite artistique s’avère au rendez-vous. Le long-métrage se focalise sur la période de mai 1968 à mai 1969, où se télescopent l’engagement politique de l’icône suisse et son histoire d’amour épineuse avec l’une de ses muses, Anne Wiazemsky. Tiré du livre de cette dernière, Le Redoutable n’a pas la prétention ici évidemment de créer des débordements théoriques à l’image des concepts du réalisateur de Pierrot le fou. À quelques clins d’œil typographiques et musicaux près, le long-métrage se présente plus comme un envers du décor malicieux. Il y a bien quelque part un rapport fétichiste avec l’œuvre du cinéaste, explorée en dilettante d’À bout de souffle à La Chinoise en passant par Bande à part - voir aussi les scènes de nu à la Bardot, Georges Delerue en moins. Aussi peut-on voir en Le Redoutable une relecture du Mépris, archétype par excellence lorsqu’il s’agit de structurer une rupture amoureuse basée sur une divergence subliminale de regard. Mais même si Michel Hazanavicius fait mine souvent de mettre en valeur de véritables questions esthétiques et d’ordre intellectuel soulevées par Jean-Luc Godard, c’est en réalité pour mieux s’en servir comme d’un terrain de jeu propice à ses expérimentations comiques et narratives.
- Copyright Philippe Aubry – Les Compagnons du cinéma
Tout en dépeignant de façon assez fidèle une période de vie charnière pour le réalisateur et son épouse Anne Wiazemsky, celui-ci se réapproprie des motifs visuels et des éléments de langage godardiens pour mieux perpétuer l’approche cinématographique qu’il cultive depuis toujours : distordre les clichés et les symboles pour mieux susciter le trouble - penser au moment où Louis Garrel et Stacy Martin rejouent Le Grand détournement dans une salle de cinéma. Un peu comme lorsqu’OSS 117 : Le Caire, nid d’espions revisitait par exemple James Bond contre docteur No, La Mort aux trousses, Vertigo, L’Homme qui en savait trop ou encore Quand les aigles attaquent. Cette forme de désacralisation du Godard que l’on connaît, loin de tomber dans la farce, sonne comme une réhabilitation populaire. Vulgarisation, toutefois, qui prend le risque de froisser les inconditionnels. Mais n’est-ce pas là une provocation digne parfois des plaisanteries du cinéaste - à commencer par ce moment où Garrel-Godard les yeux rivés vers la caméra affirme qu’un acteur est tellement con qu’il serait possible littéralement de le lui faire dire devant l’objectif ? Politique, révolutionnaire, poétique, imaginatif... Le Redoutable ne tente à aucun instant de se mesurer aux qualificatifs de son modèle, se contentant d’un portrait tantôt âpre, souvent affectueux. L’occasion d’une parodie de biopic où l’on croise Bernardo Bertolucci ou encore Marco Ferreri, dont le détachement détone avec la gravité fantasque de Godard.
- Copyright Philippe Aubry – Les Compagnons du cinéma
À l’instar du sous-marin "Le Redoutable" dont Godard entend parler à la radio, le portrait du metteur en scène helvète est ici celui d’un submersible, d’un homme qui par définition cherchera systématiquement à cliver et à se plonger dans les profondeurs abyssales afin de mieux se garder de l’obscénité du consensus. Pour allégoriser cette année 1968 où il ose remettre en question toutes ses idées et tous ses films - mort symbolique pour certains, renaissance pour d’autres -, Hazanavicius choisit de briser systématiquement les lunettes du cinéaste. Manière d’aborder à la fois sa perte de repères et son désir buñuelien d’adopter une nouvelle vision. De bric et de broc, Le Redoutable réussit à faire converger l’histoire du cinéma, l’hommage et l’humour Hazanavicien pratiquement avec cohérence. Réussite pour beaucoup à mettre au compte du duo Stacy Martin (Nymphomaniac) - Louis Garrel.
– Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017
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