L’adolescence est l’âge du flou et du trouble où la recherche des repères et l’acquisition d’une identité constituent un défi au quotidien. Mais certains contextes et périodes de l’histoire rendent l’exercice encore plus douloureux. Georges-Arthur Goldschmidt fait ainsi le récit autobiographique de ses jeunes années où orphelin d’origine juive, il passe les années de guerre, caché dans un pensionnat de Haute-Savoie.

Protégé de la vindicte nazie, l’adolescent de quinze ans réfugié dans les Alpes n’en est pas moins exposé à l’opprobre de ses congénères. Considéré comme un paria, il est soumis aux travaux domestiques de l’école et fait régulièrement l’objet de châtiments corporels pour les fautes les plus minimes. Peu à peu, la douleur se mue en plaisir et le respect face à la directrice de l’école experte en punition glisse vers la soumission fascinée.
A l’ambiguïté du corps s’additionne l’ambiguïté identitaire d’un garçon tiraillé entre deux langues, celle "souillée à tout jamais" par l’horreur nazie et l’autre, prétexte à la rêverie et l’escapade au fil des livres que l’adolescent dévore en cachette. Si le français est passionnément aimé, c’est en effet aussi grâce à la lecture de livres qui extirpent le narrateur de sa solitude en le rapprochant de leurs héros et de leurs sentiments qu’il a pu à un moment ou un autre partager.

Georges-Arthur Goldschmidt, écrivain mais aussi traducteur d’auteurs comme Peter Handke, prouve en effet à chaque page son amour immodéré pour la langue française, bien que ses souvenirs se chargent d’un trop plein de mots qui en alourdissent le propos et en estompent l’émotion.