Le premier meurtre - La chronique BD

Le premier meurtre commence avec une mise en abîme assez impressionnante et déroutante : un personnage commence à raconter son histoire, ou plutôt un souvenir, et dans ce souvenir un vieil homme vient à sa rencontre sur un banc, et en échange d’une cigarette va lui raconter sa propre histoire... Qui n’est pas un simple souvenir, mais bel et bien le récit de sa vie comme ange au paradis, avant qu’il ne soit chassé. Cet ange, nommé Raguel, est l’incarnation de la vengeance. Il a été choisi et créé dans le but de venger la mort du premier ange, mystérieusement assassiné. Dans une cité où la notion de Mal n’existe pas, cette enquête recèle bien des surprises et de belles paraboles. Disons-le tout de suite, l’enquête aboutit : ce qui est moins précis, c’est tout le reste de cette histoire, depuis la chute de l’ange jusqu’aux pérégrinations sentimentales du premier narrateur. Qui croire ? Que croire ? Cet album, qui mêle la Bible et le polar, se concentre sur le paradis et la Création avec un grand C, et les émotions avec un e minuscule. Très ou trop humaines pour être d’essence divine, les émotions vont se bousculer, et le lecteur pourra se faire sa propre opinion sur non seulement le sens, mais aussi le message que veut porter ce comic.

© Delcourt

Au niveau graphique, rien à redire, Craig Russel maîtrise, sinon domine son sujet. Les premières planches paradisiaques paraissent un peu vides, manquant de détails, mais rapidement tout devient familier, normal, ordonné. Les anges également, un peu stéréotypés, mais finalement l’atmosphère prend, et les différents personnages perdent peu à peu de leur perfection religieuse. Au-delà de son apparente simplicité, l’histoire, et même l’environnement, se révèle fascinante, voire apaisante. Comme si on expliquait l’Ancien Testament avec l’influence comic.

© Delcourt

Finement amené, ciselé avec brio, Le premier meurtre est un album qui peut paraître incomplet, mais qui a ce pouvoir rare de perturber et faire réfléchir profondément son lecteur. En cela, il devient une œuvre à part entière, forcément réussie.

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