Le père Noël est une ordure - Jean-Marie Poiré - critique

Critique : Sans doute le chef-d’œuvre du Splendid, encore qu’on puisse lui préférer la pièce de théâtre, qui ne faiblit pas jusqu’à la fin. Raconter le film, c’est égrener un chapelet de répliques cultes (« je ne vous jette pas la pierre, Pierre », « c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim », « je m’aperçois que je vous ai moins bien réussi que le cochon...), se souvenir aussi de chaque membre d’une famille à problèmes, devenue patrimoniale. L’improbable agence "SOS détresse-amitié", qui sert de cadre à cette hilarante comédie, est administrée par les deux bonnets de nuit les plus drôles de la décennie. Les locaux de cette assistance téléphonique ringarde constituent le cadre d’un théâtre filmé qui a retenu le meilleur de Feydeau, en l’actualisant à la sauce Splendid. C’est drôle, cruel, formidablement efficace.
Chaque personnage recélant une part de comique, le récit en exploite toutes les potentialités d’une manière constamment inventive, jouant largement sur des couples antithétiques (le sournois homophobe danse avec le travesti sincère, le beauf ordurier insulte la prude engoncée, le bourgeois bien sapé dépanne les marginaux les plus souillons), des running gags efficaces (l’ascenseur qui tombe en panne), exploitant tous les ressorts du comique de situation qui, du burlesque à l’absurde, impriment un rythme sans temps mort. Le film s’autorise même une légère sortie de route surréaliste (le point de vue hallucinogène, à travers le regard du lapin). Chaque comédien trouve dans l’emploi qu’il s’est attribué un habit sur mesure : Jugnot laisse libre cours à sa veulerie vociférante ; Clavier, encore supportable, parvient à distiller une émotion liée à la solitude de son personnage ; Chazel s’enlaidit avec grâce et postillonne ses répliques, Moynot compose un Preskovic dont la cuisine infâme est devenue archétypale. Mais ce sont Lhermitte et Anémone qui survolent les débats. Leur duo de losers à guirlandes fait depuis longtemps partie de ces plats savoureux qu’on se transmet à travers les décennies.