De chevet et d’ailleurs
Le 3 août 2005
Un chef-d’œuvre titanesque à l’érudition bluffante.
- Auteur : Umberto Eco
- Editeur : Le livre de poche
- Genre : Roman & fiction, Classique de la littérature
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Au commencement était le cinéma, et non pas le verbe, pour reprendre la première phrase du Nom de la rose. Car c’est Jean-Jacques Annaud qui m’a amené au roman révélateur d’Umberto Eco.
Il faudra un jour que je m’interroge sur cette étrange coïncidence qui relie mes goûts en littérature. Deux de mes romans cultes ont été écrits par des auteurs dont l’apparence offre certains points communs : corpulence, âge, barbe, gourmandise verbale. Sans doute, puis-je déjà y déceler un rapport familial et charnel aux Livres... Avec Le Dernier soupir du Maure de Salman Rushdie, Le Nom de la rose d’Umberto Eco est l’autre roman déterminant, peut-être même le plus important car il est celui qui m’a donné envie d’aller au-delà du roman lorsque sa lecture est achevée.
Bizarrement, c’est "à l’envers" que je suis arrivée au premier roman de l’éminent professeur italien. J’ai d’abord vu l’adaptation de Jean-Jacques Annaud et pour une raison qui n’a rien à voir avec l’art ou la curiosité intellectuelle. C’est avec un cœur de midinette que j’ai regardé le film, amoureuse que j’étais alors (et toujours) de Sean Connery, dont la robe de bure n’entame en rien le charisme et le charme. Certes l’intrigue policière est captivante : en l’an 1327, Guillaume de Baskerville, un moine franciscain, accompagné de son disciple Adso de Melk, est chargé d’élucider une série de crimes commis dans une abbaye. Mais ce n’est pas le polar médiéval qui m’a poussée vers le roman, mais plutôt les questions soulevées par le film : les différentes formes de pouvoir (celui du Livre et de l’Église), la censure, la logique... Autant de points effleurés par Annaud et dont on pressent que la forme cinématographique ne peut que survoler.
Alors que j’ai souvent été déçue par un film après en avoir lu le livre, faire le chemin dans l’autre sens ne présente finalement que très peu de risque, si ce n’est celui de voir chaque page, au lieu de la lire. C’est ce qui aurait pu arriver si l’intérêt du Nom de la rose ne résidait que dans son histoire : Annaud est resté fidèle à Umberto Eco quant à la nature des crimes, au déroulement de l’enquête et à son dénouement. Du coup, le côté policier passe au second plan ; il en deviendrait presque anecdotique si la virtuosité d’Eco à créer cette ambiance brumeuse et mystérieuse, propice au suspens n’était si stupéfiante.
Mais c’est là le génie d’Eco, on peut ne percevoir que ce niveau de lecture et, déjà, Le Nom de la rose se classe parmi les plus grands romans policiers contemporains. Ou bien on peut s’enfoncer dans ce chef-d’œuvre titanesque et y découvrir des - et non pas un - romans historique, scientifique, théologique, philosophique et fantastique... Et la liste n’est pas exhaustive. Le degré d’érudition et la myriade de références dans tous les domaines sont si prodigieux qu’ils font du Nom de la rose un roman qui se redécouvre à chaque lecture. Profondément ancré dans son époque car nombreux sont ceux qui y ont vu une réflexion sur l’Italie du début des années 80, ce roman semble destiner à l’atemporalité car il défend des valeurs essentielles : l’amour de l’art, la tolérance et la liberté. Il est à la fois populaire, mais aussi, et c’est ce qui en fait une œuvre essentielle, exigeant. Sa lecture et son interprétation sont au-delà de l’objet livre lui-même et se poursuivent perpétuellement, bien longtemps après l’avoir refermé.
Umberto Eco, Le nom de la rose (Il nome della rosa traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano), Le livre de poche, 633 pages, 6,50 €
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