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Le 19 juillet 2005
Le pied de nez de Rushdie aux fanatiques.
Ils nous ont frappés au cœur, ils nous ont apporté "livre-sse" ce sont nos livres à vivre, nos livres de vie, nos livres à vie. Voyage d’été en douze étapes dans la "bouquintessence" des rédacteurs littéraires d’aVoir-aLire.
"Des livres paraissent et transforment la vie de leur auteur [...], mais aussi celle des lecteurs, parfois". Cette réflexion de Salman Rushdie me frappe par son évidence. Le dernier soupir du Maure est son pied de nez aux fanatiques, et à mon échelle, un révélation.
J’ai onze ans quand Isabelle Adjani lit un passage des Versets sataniques à la remise des Césars. Je ne comprends pas tout bien sûr, le verbe de Rushdie est difficile mais l’instant est saisissant : cette émotion qui fige l’assemblée reste gravée dans ma mémoire. Je ne sais plus comment je me procure le roman : mais les premières pages sont décourageantes quand on a une douzaine d’années. J’abandonne. Le livre retourne à sa propriétaire et puis j’oublie Rushdie... Momentanément. L’émoi médiatique suscité par la fatwa retombe.
C’est le hasard qui remet Salman Rushdie sur ma route alors que je rentre à la fac : Le dernier soupir du Maure traîne sur une étagère chez des amis... Le nom sonne dans ma tête comme un défi. J’emprunte le livre : c’est le seul que je n’ai jamais rendu...
Ecrit en 1995, Le dernier soupir du Maure retrace l’histoire de la dynastie des Gama-Zogoiby. Moraes Zogoiby, le Maure, est le rassembleur des souvenirs de quatre générations d’une famille juive aux destins fascinants. Atteint d’une étrange maladie qui le fait vieillir deux fois plus vite que les autres, il entame un compte à rebours vertigineux depuis ses grands-parents forcés de quitter l’Espagne pour Cochin, au sud de l’Inde jusqu’à Aurora, la mère du narrateur, l’artiste démoniaque de Bombay. Il est impossible de rentrer davantage dans les détails de ce roman fleuve : Le dernier soupir du Maure est la densité faite livre, un roman démesuré à l’image de cette famille. Il est une incarnation de la littérature car il contient - pour reprendre les propres mots de Moraes - "des déchirures familiales, des morts prématurées, des amours contrariées, des passions folles, des poitrines faibles, du pouvoir, de l’argent, des séductions et des mystères de l’art encore plu douteux moralement..."
La profusion des mots, le rythme effréné du récit de ce narrateur à bout de souffle ont déterminé mes goûts littéraires. Le dernier soupir du Maure est la pierre angulaire de mon rapport à la littérature : le Livre comme métaphore de la vie. Une quête frénétique de sens, un goût insatiable pour l’existence malgré ses drames, une boulimie de tout connaître... que seule une écriture exubérante comme l’est celle de Salman Rushdie peut appréhender. Les mots avec lesquels Pierre Assouline concluait chacun de ses éditoriaux de la revue Lire prennent ainsi tout leur sens : "Et c’est ainsi que Rushdie est grand".
Etrange coïncidence, dans le numéro de juin 2005 de la même revue, Rushdie revient sur le rôle de la littérature : "Il y en a peu dans nos existences, de ces livres qui finissent par faire partie de notre vision du monde, à travers lesquels nous lisons notre propre vie et dont les univers intérieurs et tangibles qu’ils décrivent finissent par se mêler aux nôtres, deviennent les nôtres." En ce qui me concerne, Le dernier soupir du Maure est l’un d’eux.
Salman Rushdie, Le dernier soupir du Maure (The Moor’s last sigh, traduit de l’anglais par Danielle Marais), 10/18, 496 pages, 7,80 €
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