Youcef a la rage. Youcef a la haine. Expulsé de France, renvoyé au Maroc, direct, par le premier avion, après avoir été placé dans un centre de rétention. Atterrissage, illico mis derrière les barreaux par les flics venus le cueillir à la descente de l’avion. Allez... Une semaine de plus en cabane, ça va gêner personne. Personne veut de Youcef. Ni la France, ni le Maroc. Apatride total.

Et c’est bien ça qui l’énerve. D’être de retour dans un pays qu’il n’aime pas. De retrouver sa famille. Son père surtout, qui cognait et humiliait sa mère, avant de tomber gravement malade. Ses sœurs, islamisées jusqu’au trognon. Un Maroc sous le joug d’un nouveau dictateur, une population qui ne rêve que de partir, de fuir là où le ciel est plus clair... Et puis Marie est restée là-bas, en France. Marie l’amour de sa vie, celle dont il est raide dingue. Avec leur enfant. Alors Youcef va tout faire pour repartir.

Et Youcef M. D. ne mâche pas ses mots pour dire tout le mal qu’il pense du Maroc. Un pays livré à la magouille, où les gens sont sous l’emprise totale des imams, où les Marocains "veulent quelque chose qui n’a pas de prix", "le respect et la dignité", ce que leur pays est bien incapable de leur offrir. Il crache sur le trafic des passeurs qui, pour des sommes astronomiques, promettent la lune à qui veut bien les entendre. C’est le tableau d’un Maroc gangréné jusqu’à la moelle qu’il nous livre. Un pays au bord du suicide.

Et Youcef d’errer, d’une ville à l’autre, d’un bar à l’autre, à la recherche d’une identité, d’une raison de s’accrocher. C’est grâce à l’écriture qu’il parvient à sortir la tête de l’eau. Il ne cesse de le répéter. Lui, l’écrivain. L’Arabe, le Juif qui écrit en français. Il en joue, s’en amuse. Et assemble ses mots pour offrir une mélodie violente à son texte. Un souffle brut, qui explose à chaque page, pour dire toute la rage d’un déraciné sans racines.