Au fond du trou
Le 12 mars 2012
Une fiction inédite de Wang Bing, qui décrit la souffrance et la mort de prisonniers politiques chinois, exilés dans le désert de Gobi dans les années 1950. Éprouvant et important.
- Réalisateur : Wang Bing
- Acteurs : Li Xiangnian, Lu Ye, Lian Renjun
- Genre : Drame, Drame historique
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Jiabiangou
- Date de sortie : 14 mars 2012
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– Année de production : 2012
Résumé : À la fin des années 1950, le gouvernement chinois expédie aux travaux forcés des milliers d’hommes, considérés comme droitiers au regard de leur passé ou de leurs critiques envers le Parti communiste. Déportés au nord-ouest du pays, en plein désert de Gobi et à des milliers de kilomètres de leurs familles pour être rééduqués, ils sont confrontés au dénuement le plus total. Un grand nombre d’entre eux succombent, face à la dureté du travail physique puis à la pénurie de nourriture et aux rigueurs climatiques.
Critique : C’est un pan d’histoire qui n’a d’existence que dans quelques mémoires individuelles, et que les livres d’histoire officielle se sont sans doute bien gardés de développer, faute de place, et plus vraisemblablement faute d’éclat. Dans une région reculée de la Chine, des hommes creusent un fossé, la situation se plaçant sous le signe d’une froide ironie : c’est au milieu de nulle part qu’est censé se dresser le destin de la République populaire de Chine, par la gloire de l’effort et du travail. Le climat fait barrière à la volonté des hommes : le froid attaque les chairs, mord jusqu’à la racine les rares ilots de végétation qui parviennent encore à pousser entre le sable et la roche. Dans cet environnement hostile, les travailleurs progressent lentement, rongés par le gel et une faim qui ne lâche pas le moindre de leurs mouvements. Wang Bing filme la fiction comme il aborde le documentaire, en conservant la juste distance entre froide observation et proximité pathétique. La niche-dortoir sombre et glaciale où se réfugient les travailleurs pour gagner quelques heures de sommeil évoque par moments la salle de repos insalubre d’A l’Ouest des Rails – et le filmage numérique n’est sans doute pas pour rien dans ce saisissant effet de réel qui se ressent jusque dans la lumière et la matière des plans. Nous faisons la rencontre d’un étrange anti-film historique, si le film historique suppose la reconstitution et la mise à distance.
- © Capricci
Le fossé a quelque chose d’éprouvant dans son épure systématique ; dès les premières minutes, une impression d’enfermement surgit paradoxalement de cet espace infini du désert de Gobi, partagé entre la terre rocailleuse et la teinte laiteuse d’un ciel bleuâtre. Wang Bing nous contraint à regarder la souffrance, la mort et le deuil au sein d’un lieu dont nous préfèrerions détourner le regard. Tourné de manière clandestine, en équipe réduite et dans des conditions climatiques extrêmes, le film est tranchant – impitoyable quant à sa signification politique, lorsqu’on garde présente à l’esprit l’idée que les travailleurs du fossé sont des prisonniers considérés comme « droitiers » par le régime maoïste et punis en tant que tels. La démarche de Wang Bing rejoint celle d’autres cinéastes passeurs de morts et de mémoires – à l’instar du Cambodgien Rithy Panh –, travaillant sur les ruines des archives officielles et des souvenirs humains, et dont la tâche paraît plus que jamais nécessaire.
Lire notre entretien avec Wang Bing : ICI.
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