Le 4 octobre 2023


- Dessinateur : Fabrice Neaud
- Collection : Hors collection
- Genre : Autobiographie, Roman graphique
- Editeur : Delcourt
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 27 septembre 2023
- Durée : T. 1
Nouveau cycle pour l’œuvre autobiographique unique de Fabrice Neaud.
Résumé : Alors que paraît le troisième tome de son {Journal}, Fabrice Neaud s’interroge sur les liens qu’il entretient avec sa famille, son rapport au Sida, à la célébrité naissante et au casse tête de l’intimité dans un monde qui change.
Critique : Neaud est une sorte d’héritier de Proust, et ce de plusieurs façons. Tout d’abord, sa prose peut paraître abrupte, alambiquée ou même pompeuse (un ton qui lui est d’ailleurs reproché par quelques personnages, et dont il joue), maniant les concepts philosophiques ou sociologiques avec justesse, se vantant de les asseoir ou de les écarter, s’interrogeant sur la pertinence d’un souvenir ou d’une amitié, ressassant une étreinte perdue ou un contrat passé. Ensuite, au lieu de scruter l’homosexualité et les angoisses personnelles à travers le trou d’une serrure, Neaud enfonce carrément la porte et pense le sujet comme un sociologue indépendant, s’auto-évaluant tout en jugeant les autres. C’est cette liberté de ton qui le caractérise : sans tabous ni entraves, le narrateur ne s’embarrasse pas de conventions pour dire ce qu’il pense. Et comme Proust, son écriture ressemble à ses pensées : loin d’être légère, elle appuie souvent là où cela fait mal. Enfin, en privilégiant les liens familiaux, en faisant jaillir l’angoisse sexuelle de cette période du Sida de manière crue, en montrant cette quête d’un amour impossible, ou du moins très distant, épisodique, on retrouve le charme proustien de la Recherche, transposé un siècle plus tard.
© Delcourt / Neaud
Pourtant, cet héritage n’est pas le meilleur atout de Fabrice Neaud et de son Dernier Sergent. Son dessin, son style, son talent du contraste font toute la beauté de son Journal et de ce nouveau cycle. Si son talent de portraitiste est évident, notamment pour sa capacité à croquer les rugbymen au regard dans le vague, mais évidemment pour n’importe quel individu croisant sa route, il y a une autre évidence qui se dégage, un peu plus cachée, un peu moins captivante que les visages et les corps. En effet, lorsqu’il dégage un souvenir de sa mémoire ou qu’il joue avec un concept qu’il a lu, Neaud ne se met pas seulement en scène, il ajoute des cases symboliques magnifiques, une étoile sur un fond noir, un crâne ou un animal, quelques lettres copiées ou un vide parfaitement représenté. En une case au milieu de plusieurs, d’un long texte ou d’un fragment de vie, il impose une vérité graphique pure.
© Delcourt / Neaud
Ce nouveau cycle, où l’auteur évoque d’ailleurs ses précédents ouvrages, ne fait que renforcer le style, l’approche graphique d’un auteur culte, qui a voulu parler de lui, mais en le faisant bien.
424 pages – 34,95 €