Une nuit dans le coffre à bagages
Le 10 novembre 2018
Skolimowski et Jean-Pierre Léaud se croisent à Bruxelles au son des accords jazzy de K. T. Komeda : dépense sans compter, vitesse, élégance du geste poétique, burlesque : la grâce. Reprise en HD en novembre 2018.
- Réalisateur : Jerzy Skolimowski
- Acteurs : Jean-Pierre Léaud, Catherine Duport, Jacqueline Bir
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Belge
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h29mn
- Reprise: 21 novembre 2018
- Date de sortie : 6 décembre 1967
- Plus d'informations : http://www.malavidafilms.com/ledepart/
- Festival : Festival de Cannes 2018, Festival de Berlin 1967
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– Reprise le 21 novembre 2018 avec une nouvelle restauration
© Malavida. Tous droits réservés.
L’argument : Marc a dix-neuf ans. Il est garçon coiffeur. Mais il ne rêve que voitures, rallyes, courses. Il s’est inscrit, avec une Porsche, au rallye qui doit démarrer dans deux jours, en comptant emprunter la voiture de son patron. Il s’entraîne avec elle la nuit, ayant comme copilote un copain du salon. Au dernier moment, les deux garçons apprennent que le patron part en week-end avec la voiture. C’est la catastrophe. Marc doit trouver une autre voiture.
Notre avis : Après ses trois premiers longs-métrages polonais (Rysopis, Walkover et Bariera, et avant Rece do góry - Haut les mains (interdit jusqu’en 1981) Jerzy Skolimowski tournait à Bruxelles, en janvier et février 1967, ce film produit par la toute jeune société Elisabeth Films qui allait remporter la même année l’Ours d’Or du Festival de Berlin. Jean-Pierre Léaud, acteur emblématique de la Nouvelle Vague s’il en fut, y exécutait une de ses compositions les plus ébouriffantes et géniales.
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Le ton du Départ est donné dès la fulgurante séquence de pré-générique, qui montre Marc, garçon coiffeur rêvant de courses automobiles, tenter vainement de faire démarrer le moteur de sa mobylette dans la nuit bruxelloise puis traverser la ville en courant avant d’emprunter une voiture pour s’entraîner sur les routes semi-désertes puis la ramener au petit matin : tout le film ne sera qu’accélérations, ralentissements, changements de registres (du burlesque au film noir), légèreté funambulesque et gravité soudaine.
Léaud, espèce de Buster Keaton facétieux et extraverti, surprend sans cesse par un savant mélange d’improvisation et de calcul : se livrant à des acrobaties insensées, variant sans cesse la diction et le volume sonore, jouant plus faux (et donc plus vrai) qu’il n’est permis. Il est le moteur emballé d’un film qui déborde d’énergie et d’inventivité.
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Miroirs, perruques et déguisements (le faux Maharadjah), calembours en veut-tu-en-voilà et répliques volontairement débiles (Est-ce que vous croyez qu’il est enragé ? - Non, si madame Vandeputte ne l’a pas mordu ! ; Son excellence voit bien que la voiture est noire, mais est elle extrêmement rapide ?), langue imaginaire (glubak ?), gags potaches (la saucisse pour le moteur), clins d’œil pop art (les affiches publicitaires qui commentent l’altercation entre Marc et le motocycliste), effets plastiques saisissants (la voiture coupée en deux), trouvailles poético-grotesques (la nuit en amoureux dans le coffre à bagage) : les 90 minutes du Départ sont un véritable feu d’artifice qui pourrait lasser si cette sensation d’énergie dépensée en pure perte ne le colorait d’une ironie intensément romantique d’autant plus émouvante qu’elle est exacerbée par la déchirante beauté de la photo noir et blanc de Willy Kurant (Bruxelles filmé comme rarement) et les lancinants accords jazzy de Krzysztof Komeda Trzcinski (collaborateur de Polanski jusqu’à Rosemary’s baby et déjà auteur de la BO de Bariera).
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La gravité, d’ailleurs, n’est jamais loin : bouleversante chanson mélancolique (Chaque heure est un départ) interprétée, au début et au milieu du film, par Christiane Legrand en personne (entre un disque des Double Six et un film de Demy), nostalgie de la superbe séance du diaporama de photos d’enfance, découverte incongrue d’un homme sans connaissance au volant d’une voiture d’exposition au milieu de la foule du salon et qu’on emmène aux urgences, renoncement final au rêve poursuivi frénétiquement pendant tout le film (Tu ne t’es pas réveillé ?).
Pas d’amertume pourtant au final mais un sentiment d’heureuse tristesse, de dérisoire joyeux, le même qui illuminait déjà les premiers films de Skolimowski, poète célébrant l’ivresse de l’instant sans lendemain et la prise de risque maximum au mépris de tout garde fou.
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