Au nom du père, du fils
Le 10 décembre 2013
Nadjari ramène à hauteur d’homme l’histoire éternelle du rapport au père et nous invite à nous libérer de toute fatalité.
- Réalisateurs : Raphaël Nadjari - Ori Pfeffer
- Acteurs : Moni Moshonov, Michaela Eshet
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Français
- Durée : 1h40mn
- Titre original : A strange course of events
- Date de sortie : 4 décembre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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La vie n’est pas une fatalité. Le monde peut se vivre dans la liberté. Nadjari nous offre une humble leçon de vie.
L’argument : Saul, la quarantaine, rêveur et mélancolique, court chaque fois qu’il ne va pas bien, chaque fois qu’il veut fuir sa vie.
Sur un coup de tête, il décide un jour de rendre visite à son père qu’il ne voit plus depuis cinq ans et qu’il tient pour responsable de tous ses maux.
A Haïfa, en quelques jours, de chutes en déconvenues, entre drame et burlesque, il découvrira un père transformé, un monde réinventé et, peut-être, l’espoir d’une vie nouvelle...
Notre avis : C’est un petit film de rien du tout, un objet fragile. On ne pourrait faire plus humble. Il est antispectaculaire au possible. Il n’y a là aucune esbroufe, aucune envie de séduction. Le sujet est hyper classique. On ne compte plus le nombre de films ayant exploré le rapport au père. On en connaît qui ont abordé la chose sous un angle opératique. Il suffit de penser au Tetro de Coppola ou à Only god forgives de Nicolas Winding Refn. En général plus le film est esthétique, plus le père (réel ou de substitution) est terrible : tel Saturne il dévore ses enfants. Si on ne connaissait pas Nadjari, de par sa nationalité israélienne on aurait pu penser qu’il évoquerait une figure paternelle aussi terrible que le dieu de l’ancien testament. Mais non. Dans "le cours étrange des choses", il ramène tout à hauteur d’homme. Il accorde tout de même une concession à une vérité éternelle : c’est qu’on se construit par rapport à une figure de père. Et le père peut laisser une blessure dans le flanc de ses enfants. C’est l’histoire de Saul, un rêveur qui a bien du mal à vaincre son mal être. Le monde hostile en fait un cousin éloigné du Llewyn Davis des frères Coen, le talent en moins. Quand ça va mal, il court. Et puis il part rendre visite à son père à Haïfa. L’essentiel de l’action se situe dans un centre commercial. Le lieu entre ainsi en résonance avec la sensation d’enfermement que ressent Saul. Il est incapable d’exister pleinement. Il n’a pas revu son père depuis 5 ans. On devine que ce dernier a quitté femme et enfants il y a bien longtemps et que cette fuite est à l’origine de la blessure de Saul. Il a gardé en lui ce sentiment de culpabilité qu’on peut tous éprouver quand on ne se sent pas à la hauteur d’un être aimé. © Amit BerlovitzCe qui fait la force d’un film en général, c’est la connexion qu’il peut créer avec quelque chose d’universel. En explorant la manière dont un certain malaise peut s’instaurer dans le processus de construction d’un individu, Nadjari aborde la problématique la plus générale qui soit. C’est ce qui rend son film vraiment intéressant. Il va plus loin : au lieu de reproduire une énième fois la figure du père terrible, il nous présente un père humain, fragile, tout aussi largué que son fils. La femme avec qui il vit, Bathy, le mène par le bout du nez. Il suit aveuglément toutes ses lubies mystiques. Il est souvent maladroit. Il est à la fois émouvant et pathétique. En venant visiter son père, Saul découvre l’homme réel et peut oublier l’idée qu’il s’en était fait et avec laquelle il a grandi. Il va alors apprendre à se libérer du poids de la fatalité et apprendre à vivre. On peut se demander si le choix du prénom "Saul" est volontaire. Saul c’était l’ancien prénom de Paul avant que foudroyé par la lumière divine, il ne devienne le propagateur du christianisme dans tout le bassin méditerranéen. Nadjari y a peut-être pensé pour cette nouvelle histoire de conversion. Mais si c’est le cas, c’est pour prendre le contre-pied de toute idée de transformation spectaculaire. Nadjari est un cinéaste du réel. Dans ses films précédents déjà il explorait les rapports de l’Homme à la religion mais c’était pour mieux nous inciter à repenser ce rapport, se dégager de tout dogmatisme, et retrouver le sens de la vie et de la liberté. Que nous dit Nadjari ? Qu’il n’y a pas de fatalité. Qu’on peut guérir de nos blessures. Que la vie n’est pas notre ennemie. En fait elle n’a pas de sens en soi. On peut choisir de tirer le meilleur parti de ce qui nous arrive à condition d’avoir la foi, mais il ne s’agit pas ici de foi religieuse, il s’agit de foi en la vie. Ainsi avec l’air de ne pas y toucher, Nadjari nous livre une histoire attachante, sans pathos, sans effusion. La simplicité même de son film rejoint la simplicité de son message.
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