Copyright L’iconoclaste, 2018

Résumé :
Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse, en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant.

Notre avis :
La vraie vie pour une enfant de dix ans, c’est celle que l’on ne voudrait pas voir. Celle qu’on ne vivrait pas, dans un lotissement aussi gris que ses habitants. Celle où la maison ne contiendrait pas de chambre pour les cadavres, cette pièce qui rassemble tous les trophées mortuaires du père, autant chasseur que braconnier, d’animaux exotiques qui plus est.
Dans La vraie vie d’une enfant de dix ans, la tragédie n’existe pas, et si le drame doit arriver, il ne peut pas venir du marchand de glaces, synonyme de tant de joie et de plaisirs sucrés. C’est pourtant seule qu’elle devra affronter le traumatisme devant l’accident terrible qui se produit sous ses yeux et ceux de son frère Gilles. Son père ne consentant qu’à pleurer, entre deux crises de violence, à l’écoute de Claude François, pour aller ensuite se réfugier dans l’alcool et les programmes télé. Sa mère est aussi inexistante qu’« une amibe », pas plus vivante qu’un vase qu’on aurait posé à sa place, et ne manifestant de l’amour qu’à ses chèvres plus précieuses à ses yeux que ses propres enfants. La vie de famille telle qu’elle est, peut parfois revêtir les habits d’un mystère terrifiant dans le regard d’une enfant.
C’est pourtant dans ce milieu qu’on la verra évoluer jusqu’à ses quinze ans, à travers les cinq étés qui la transporteront du monde de l’enfance à celui de l’âge adulte. Menée par l’obsession de redonner le sourire à son frère, et avec pour seules distractions la visite du « cimetière de métal », la casse d’à côté, ou cette voisine un peu fantasque, c’est un monde plein de promesses que l’on peut inventer pour retenir encore un peu le temps de l’innocence.
Véritable Marie Curie en herbe, la science sera son refuge, mais « les lois de la temporalité » l’aideront-elles à maîtriser la chimie des corps et la physique des sentiments qui transforment l’adolescente ?
Entre poésie de l’enfance et drame social, Adeline Dieudonné insuffle à son roman une atmosphère à la fois onirique et matérielle, où se mêle l’étrange à la réalité. Roman initiatique revêtu d’une noirceur sociale, à la manière d’un conte macabre, dans lequel on sent le drame poindre à chaque page, face à « la réalité sauvage de la chair et du sang, de la douleur et de la marche du temps, linéaire, impitoyable », mais « l’avenir veille sur toi », petite...
D’une écriture parfaitement maîtrisée, l’auteure donne à son premier roman un rythme d’une sensualité mystérieuse et inquiétante à laquelle on ne peut rester indifférent. Enfermés dans cette fable noire de peur et rouge de sang, entre le sourire perdu d’un enfant et celui carnassier d’une hyène empaillée qui attend, il ne vous restera qu’une sortie, celle de La vraie vie.
Multi-primée en 2018 -Filigranes, Première Plume, prix du roman Fnac ou encore Renaudot des Lycéens, Adeline Dieudonné obtient une nouvelle consécration avec l’une des distinctions du printemps les plus convoitées, le Grand Prix des Lectrices Elle, dans la catégorie roman. L’occasion pour ceux qui l’auraient ratée de découvrir et de dévorer La vraie vie.