Le 22 octobre 2022


- Dessinateur : Aurélia Aurita
- Genre : Autobiographie
- Editeur : Casterman
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 21 septembre 2022
Un roman graphique qui traite à la fois du plaisir culinaire et des écueils de la vie
Résumé : Incorporée à un palace parisien pour en griffonner le quotidien des cuisines, Aurélia Aurita part de ce prétexte de la gastronomie pour disséquer ses expériences, de l’amour à la santé en passant par l’amitié...
Critique : Nul doute, Montaigne, Rousseau ou Chateaubriand auraient apprécié le roman graphique pour ce qu’il apporte à la littérature, car comme eux, les autrices et auteurs qui contribuent à élargir le spectre autobiographique ont cette passion de la contemplation intérieure pour en faire surgir de petites perles d’universalité. C’est le cas d’Aurélia Aurita, qui s’appuye sur ses sens – en particulier le goût – pour apprendre à se connaître et à méditer sur la vie pour revenir sur les moments clés de son passé. Le tout dans une forme qui ne s’encombre pas d’une ligne claire ou chronologique, mais qui s’emploie plutôt à aller d’un sujet à l’autre comme on passe d’une odeur à une autre, ce que Proust avait fait en son temps. En débutant par la perte de sa grand-mère, puis en enchaînant par son immersion dans les cuisines d’un grand palace jusqu’au bouleversement de sa maladie, on trouve un fourmillement, une émulsion disparate d’émotions brutes, que viennent seulement domestiquer, organiser, accompagner des palpitations gustatives, que ce soit des amuses-bouches d’un chef étoilé, des saveurs issues de la street food japonaise ou bien le souvenir d’un plat concocté par un ex plutôt habile en cuisine.
© Casterman / Aurita
Les trois cents pages filent et défilent sur un rythme qui peut s’étirer ou se contracter au rythme du dessin. Lorsqu’une farandole de mets inonde de couleurs les pages, on a l’impression de pouvoir les toucher, de les sentir aussi, puisque les sens sont tous mis à l’honneur. Puis, brusquement, le noir, le blanc et le gris inondent une page et ralentissent la lecture, forçant le lecteur à prendre le temps... Cette impression que tout peut s’envoler, que tout peut s’écrouler, c’est justement le message que veut faire porter Aurélia Aurita, qui jongle entre les plaisirs et les déceptions comme on jongle entre le sucré et l’amertume, et son dessin ne s’arrête jamais à un style, préférant, toujours avec un soupçon d’humour cependant, le faire vibrer comme sortent ses propres sentiments.
© Casterman / Aurita
Éclatante victoire du plaisir sur la tristesse, du bon souvenir sur le douloureux regret, du roman graphique tonique sur les austères mémoires, La vie gourmande s’impose comme une nouvelle référence du genre.
368 pages – 29,50 €