L’ennui
Le 19 juillet 2005
Musicien, librettiste, compositeur, pas étonnant de découvrir chez Serge Prokofiev un talent pour l’écriture.


- Auteur : Serge Prokofiev
- Editeur : Alternatives
- Genre : Roman & fiction

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Musicien, librettiste, compositeur, pas étonnant de découvrir chez Serge Prokofiev un talent pour l’écriture. Plus surprenant l’humour et la légèreté de ses récits.
Ce n’était pas insoupçonnable, il a écrit lui-même certains livrets des opéras qu’il a mis en musique, mais ça reste malgré tout une bonne surprise. Grâce à son fils Oleg qui a retrouvé une dizaine de textes dans ses archives, on sait désormais que Serge Prokofiev était aussi un admirable conteur. Drôles, fantastiques, influencés par les découvertes scientifiques de son temps ou par l’histoire ancienne, ses récits ont été publiés pour la première fois en Russie, il y a deux ans à peine, et trois d’entre eux, La tour vagabonde, Le diable et l’horloger et Les jeux du temps et de l’espace, sont désormais traduits en français aux Editions Alternatives. Ecrits peu après la Révolution d’octobre à l’occasion de longs périples ferroviaires ou maritimes à travers l’Europe, l’Asie et l’Amérique, il aura donc fallu plus de temps pour révéler ce don au grand public que pour dénoncer les crimes du stalinisme...
En effet, outre le fait que Prokofiev est mort le même jour que le "petit père des peuples", il est impressionnant de voir à quel point ces courtes histoires semblent détachées des bouleversements provoqués par la fin de la Première Guerre mondiale ou par l’arrivée des bolcheviques au pouvoir. D’une rare légèreté au contraire, elles racontent les mésaventures d’un assyriologue français qui voit la Tour Effel s’échapper de son Champ de Mars pour partir à la recherche de la Tour de Babel ou de deux vieilles filles, Espace et Temps, qui quittent leur nuage et provoquent la rencontre d’un businessman avec un pharaon égyptien. Sans doute sont-elles plutôt marquées, comme ces personnages à la limite du grotesque, par une volonté irrépressible de fuir un monde inerte sinon exsangue. Fuite de l’horreur, fuite de l’ennui, fuite du temps que l’on perd en train et en bateau, un seul recours : l’imaginaire.
Serge Prokofiev, La tour vagabonde (traduit du russe par Gérard Abansour), illustrations de David Lozch, Editions Alternatives, 2005, 80 pages, 10 €