Avec toi - Keiko Nishi - la chronique BD

Avec cette œuvre qui entre dans une maison comme un chat, Keiko Nishi a manifestement voulu un shojo autonome, aussi absent qu’incontournable, bref en forme de chat pour donner vie à quelques destins humains. Étrangement, hormis dans les tout derniers chapitres, Shiro n’apparaît jamais comme un chat sympathique : il miaule, griffe, désorganise pas mal le quotidien trop lisse de cette famille. Pourtant, il entre dans le décor, se faufile, se met dans les coins, pour laisser les héros prendre leur place, se confronter à la réalité. Le mariage, l’adultère, les études, le travail, ces étapes qui sont autant de mises à l’épreuve sur un jour, un an ou une dizaine d’années, ne sont pas expliquées, elles sont là, et les personnages les surmontent ou les percutent sans s’apercevoir qu’ils vivent des moments charnières. Cette impression de normalité, voilà le détail scénaristique important, puisque la narration n’est pas interne, mais bien complètement externe, et donc sans jugement aucun.

Keiko Nishi / Akata

Pour autant, cette externalisation n’empêche pas le lecteur de se faire un avis. Un père autoritaire de façade mais faible en réalité, une grande sœur intelligente en étude mais peu en amour, une mère transparente mais pourtant très parente, et enfin un petit frère timide, décevant jusqu’à l’éclosion, tout cela, le dessin le fige en fait dès le début. Ainsi, le regard fuyant et composé d’un trait grossier en apparence, pour les yeux du frère, n’était pas seulement un élément discordant graphiquement, mais annonçait le seul équilibre psychologique du quatuor, celui qui n’avait pas sa place dans un environnement carré, logique, conformiste.

Keiko Nishi / Akata

Brillant dans son exploration d’un quotidien distendu par les années, Avec Toi est un shojo difficile à appréhender mais qui laisse un goût d’amertume lorsque vient sa conclusion, qui tombe elle aussi sans morale, sans clairon ni trompette, simple et une fois encore très juste.