Le 24 avril 2019


- Scénaristes : Olivier Schrauwen >, Florent Ruppert>, Jérôme Mulot>
- Dessinateurs : Olivier Schrauwen , Florent Ruppert, Jérôme Mulot
- Collection : Aire Libre
- Genre : Aventure
- Editeur : Dupuis
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 15 février 2019
Tableau d’une tranche de vie d’un pirate, ou plutôt d’un amateur de rhum.
Résumé : Ivrogne notoire, mendiant à ses heures, charpentier par défaut, pirate par opportunisme, voleur par habitude, Guy est un homme qui ne mérite pas de portrait. Et pourtant, d’une sombre taverne jusqu’à l’abordage de navire, sa caboche est le point central d’un album gonflé de réalisme et truffé d’une poésie malsaine.
La figure du pirate a depuis longtemps été recyclée, récupérée et réarrangée à des fins littéraires et commerciales. Le succès de cette image, au cinéma notamment, mais aussi dans les parcs à thèmes ou jeux vidéos, a imposé un homme viril et courageux, fougueux et honnête au fond. Pourtant, la piraterie n’a certainement pas le côté reluisant que même des sagas sombres comme Long John Silver ou Libertalia ont envisagé. Portrait d’un buveur a voulu montrer cet antihéros nommé Guy, repoussant de défaut et pourtant toujours prêt à sauver sa misérable peau, n’en déplaise à ses victimes qui comme le lecteur assiste à ses lamentables aventures. En vérité, il y a un côté presque Nouveau Roman dans ce roman graphique qui ne s’embarrasse pas de cohérence narrative ou d’envie de plaire. Les ellipses dans le temps, la cohérence entre le réel, le rêve et la mort, voire même l’enchaînement des actions du héros ne prêtent pas à confusion mais l’ensemble se tient, l’ensemble ne repose pas vraiment sur le personnage décrit, mais sur une volonté, un but esthétique.
Ruppert, Mulot, Schrauwen / Dupuis
En effet, la recherche esthétique et poétique est finalement au centre de cette œuvre, ambiguë et déroutante. Les couleurs, bleues, roses et grises superposées, ne semblent jamais qu’esquisses, la planche demandant un ultime travail de contour ou de coloriste qui ne viendrait jamais. Parfois, c’est un brouillon qui semble se dessiner, pour mieux accentuer le flou de la mer ou de l’alcool. Tantôt, dans le monde des morts, c’est une page qui semble arrachée, écornée pour laisser la place au monde réel qui est pourtant plus vide que ce creux de l’au-delà. La focalisation alternative sur ce personnage à la fois hors du commun et terriblement banal ne fait que renforcer cette impression de rêve flottant, qui serait pourtant plus vrai que toutes les représentations auxquelles nous nous sommes habitué.
Ruppert, Mulot, Schrauwen / Dupuis
Puissant d’originalité et pertinent comme chronique, Portrait d’un buveur n’a pas une couverture forcément attrayante, et même un déroulé attirant, mais ne vous fiez pas à cette apparence, c’est une bande dessinée innovante et captivante.
176 pages - 28,95€