Le 15 février 2020
Une nouvelle édition bilingue, de La religion de mon temps, recueil poétique de Pier Paolo Pasolini, initialement édité en mai 1961, paraît le 19 février 2020. Elle est le fruit du travail minutieux et génial du traducteur René de Ceccatty et elle est assortie d’une préface détaillée. Cette initiative des éditions Payot et Rivages, en format de poche, est à saluer.


- Auteur : Pier Paolo Pasolini
- Editeur : Payot & Rivages
- Genre : Poésie
- Nationalité : Italienne
- Traducteur : René de Ceccatty
- Titre original : La religione del mio tempo
- Date de sortie : 19 février 2020
- Plus d'informations : Le site officiel

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Notre avis : La religion de mon temps, publié en mai 1961, est le quatrième recueil poétique de Pier Paolo Pasolini. La plume de cet écrivain italien, alors âgé de 39 ans, est déjà connue et reconnue, sans pour autant être adoubée par tous. Il est aussi, antérieurement, l’auteur de deux romans, dans lesquels l’argot et la peinture des bas-fonds romains ont reçu un accueil oscillant entre fascination et répulsion. Pier Paolo Pasolini est un critique lucide de son temps, peut-être même trop lucide, comme il l’écrit dans La religion de mon temps. Il effectue son introspection, sans la moindre indulgence, en deux courtes sentences baptisées "A moi" :
"Dans ce monde coupable qui ne fait qu’acheter et mépriser,
le plus coupable, c’est moi, desséché par l’amertume."
L’auteur, polémiste virulent, poète enragé, comme l’a souligné son ami Alberto Moravia, peut aussi bien encenser brièvement Khrouchtchev, qu’adresser des missives poétiques. Il n’hésite pas à nommer directement ses cibles, comme la papauté, par exemple. Il est alors en rupture avec cette institution, jugée trop ostentatoire, et trop éloignée des plus pauvres ("A un pape" et "A un esprit" sont deux épigrammes qui ont un caractère pamphlétaire). Il n’est pas épargné par une pléthore de polémiques, également. Son homosexualité, rimant avec immoralité pour la majeure partie de ses contemporains, lui vaudra des poursuites en justice, avec des procès s’éternisant souvent, mais jamais il ne connaîtra d’exil en prison, comme par exemple Oscar Wilde, dans la puritaine Angleterre de la fin du dix-neuvième siècle.
C’est en 1961 que débute, en même temps que la parution de La religion de mon temps, la carrière de réalisateur de Pier Paolo Pasolini avec le tournage de son tout premier film Accattone. Federico Fellini le soutient, pour l’avoir initié au septième art, même s’il va prendre ses distances avec lui. Pasolini va consacrer au cinéma, la plupart de son temps désormais, jusqu’à son assassinat en 1975. Il ne cessera pas, pour autant, définitivement d’écrire. Sa poésie, comme dans La religion de mon temps, est souvent en tercets et en distiques, bien qu’il n’hésite pas à sacrifier la forme, pour la beauté d’une sonorité ou pour employer un vocabulaire déroutant. Notons que ses poèmes paraissent souvent, tout d’abord dans des revues diverses, avant d’être édités sous forme de recueils. Il y a, preuve en est, trois grands chapitres, dans La Religion de mon temps, qui vont de 1955 à 1960. Pasolini a certes une vie sociale foisonnante, mais il n’en demeure pas moins un être profondément solitaire. Il passe ainsi sa vie entière sous le même toit que sa mère. Cette contradiction existentielle nous fait penser à cet aphorisme de Léo Ferré : "L’art est une excroissance de la solitude." La poésie engagée de Pasolini est également au diapason de cette citation de Malraux : "Une oeuvre d’art naît de son temps et dans son temps, mais elle devient oeuvre d’art parce qu’elle lui échappe". Lorsque la poésie de Pasolini est d’emblée plus intemporelle, il y a du Leopardi en elle. Notons que La religion de mon temps est dédié à Elsa Morante, la meilleure amie de Pasolini, jusqu’à leur brouille définitive, suite à la parution du roman La Storia, en 1974, que ce dernier désapprouve publiquement, anéantissant leur connivence intellectuelle.
Rivages poche - Petite Bibliothèque
352 pages - 9.90 euros
Traduction, notes et préface de René de Ceccatty
Inédit - Edition bilingue