Home sweet home
Le 19 août 2011
Une incursion étrange, filmée en vidéo, dans un univers littéraire et fantasmatique à situer quelque part entre la mélancolie proustienne et l’horreur gothique. Envoûtant, si on s’y laisse prendre.
- Réalisateur : Raúl Ruiz
- Acteurs : Jean-Marc Barr, Elsa Zylberstein , Audrey Marnay
- Genre : Drame, Fantastique
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 3 juin 2009
- Plus d'informations : Le site du distributeur
L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h30mn
Une incursion étrange, filmée en vidéo, dans un univers littéraire et fantasmatique à situer quelque part entre la mélancolie proustienne et l’horreur gothique. Envoûtant, si on s’y laisse prendre.
L’argument : L’histoire se passe dans les années 20. William, un jeune aristocrate vient de gagner au poker une propriété au Chili, près de Santiago. Il y emmène sa femme Anne Marie afin qu’elle puisse s’y reposer. Dès leur arrivée, ils sont accueillis par des personnages étranges et envahissants soudés autour d’une oppressante et poétique figure, celle d’un fantôme, celui de Léonor, disparue accidentellement. La maison aux contours étouffants, devient le théâtre d’une incroyable substitution liée aux angoisses et désirs d’un homme insatisfait.
Notre avis : Autant lancer d’emblée un avertissement : La maison Nucingen ne fera pas l’unanimité. Le nouveau film de Raoul Ruiz se tient sur un seuil si frêle qu’on sent à tout moment qu’il suffit d’une humeur passagère ou d’une légère réticence pour que la méfiance que l’on éprouve au début se mue en défiance. Car le projet, dont on mesure dès les premières minutes le caractère essentiellement passionné et matériellement modeste, semble friser l’insolite. Où la plupart revendiquent une dramaturgie au plus près de la vérité des acteurs et des personnages, le cinéaste dirige ses interprètes comme des marionnettes de théâtre. Où les courants dominants se réclament du parler-juste et du caractère pulsionnel des histoires, Ruiz déploie les fastes de la langue et du récit. Lecteur de Proust et de Shakespeare, qu’il a adaptés à l’écran, il sème son film de ferments littéraires, directement ou indirectement cités, tels que Balzac - auteur de la nouvelle dont s’inspire le titre -, mais aussi Pascal ou Edgar Allan Poe... Ajoutons à cela le tournage en format vidéo, mais associé à une photographie irréelle et fantômatique, comme hallucinée d’un autre monde, et l’ensemble nage directement à contre-courant de nos habitudes formelles et visuelles actuelles. Pourtant, pour peu que l’on se laisse glisser sans appréhension dans ce voyage un peu étrange, l’alchimie propre à La maison Nucingen se crée petit à petit, peuplée de motifs esquissés : jungle luxuriante, lumière paisible d’une chambre, mélodie lointaine de “La cathédrale engloutie” de Debussy... A tel point que le film lui-même devient une sorte de cathédrale vaste et énigmatique dans laquelle le réalisateur invite à se perdre.
- © Zelig Films Distribution
Reste à accepter de se prendre au jeu. Car certains choix sont fragiles, parfois à la limite du ridicule : le goût du nonsense à l’anglaise risque de relever davantage du jeu de langage que du babil piquant d’Alice au pays des merveilles, et face à un Jean-Marc Barr très sobre et émouvant en mari nouvellement fortuné, Elsa Zylberstein surjoue l’angoisse et l’épuisement. Pourtant, les objets de fascination de Raoul Ruiz demeurent palpables, et nous entraînent dans leur sillage : le thème central du film, pourtant si elliptique, à savoir les esprits et les vampires, s’éclaire de réminiscences de Vampyr de Dreyer et de littérature gothique, mais transposés dans l’incroyable décor du paysage chilien. Regard nostalgique d’un homme sur son pays natal, et sur son pays adoptif, le “musée imaginaire” des oeuvres que Raoul Ruiz a croisées, aimées, et dont il a essayé de restituer le parfum dans son film. Certains trouveront le résultat excessivement artificiel, et certes il ne faudra pas chercher ici d’intrigue palpitante ou de réalisme psychologique à toute épreuve. L’opacité de La maison Nucingen est tout autre ; mais si l’on peine à s’enivrer, peut-être faut-il se plonger un peu plus profond et accepter l’étrangeté du flacon pour obtenir l’ivresse...
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.