Orgueil et préjugés
Le 16 novembre 2020
Avec ce film hybride au carrefour du cinéma social et de genre, Kornel Mundruczo en dit malheureusement plus sur sa vanité qu’il ne parvient à prendre la défense des laissés pour compte et opprimés de l’Europe.
- Réalisateur : Kornél Mundruczó
- Acteurs : Merab Ninidze, György Cserhalmi, Mónika Balsai, Zsombor Jéger
- Genre : Drame, Fantastique
- Nationalité : Français, Allemand, Hongrois
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 16 novembre 2020 22:20
- Chaîne : Arte
- Titre original : Jupiter's Moon
- Date de sortie : 22 novembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017, L’Etrange Festival 2017
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– Film présenté en compétition du Festival de Cannes 2017
– Grand Prix Etrange Festival 2017
Résumé : Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu’il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu’il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s’en échappe avec l’aide du Dr Stern, qui nourrit le projet d’exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d’argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l’incroyable don d’Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles se monnayent.
Critique : Tandis que des réfugiés par dizaines rallient de nuit dans un silence de mort la Hongrie en passant par la Serbie, ils sont pris d’assaut par la police hongroise des frontières, qui n’hésite pas à les exterminer en alléguant une menace imaginaire. Comme beaucoup d’entre eux, Aryan est blessé par balles alors qu’il tente de prendre la fuite. Plus tard, dans le centre médical de fortune où il reçoit des soins, il croise la route de Stern, médecin corrompu ayant pour habitude de faire entrer des réfugiés sur le territoire en échange d’importantes sommes d’argent. En jetant un œil sur le patient, Stern assiste stupéfait à sa lévitation. Pour ce dernier qui perçoit la religion comme la clé de voûte de tous les maux du monde, c’est le début d’une rédemption épineuse, lent retour vers la croyance et la morale. Conscient de l’attraction mercantile que peut susciter le pouvoir d’Aryan, Stern l’utilise bientôt pour bercer le tout-venant sous des prétendus miracles, avant de douter lui-même de sa défiance à l’égard d’une transcendance. À l’heure où les idées liberticides et souverainistes du premier ministre de Hongrie Viktor Orbán gangrènent la politique intérieure et extérieure du pays, la thématique adoptée par Kornel Mundruczo trouve une belle résonance. La fiction, dans cette mesure, peut prétendre embrasser le réel.
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Pourtant, l’ambivalence programmatique de La Lune de Jupiter menace à mesure que le récit vire au pensum grandiloquent, l’intégrité du long-métrage. Ce n’est pas tant la nature hybride du film, qui prend prétexte d’un sujet social – la gestion des flux de réfugiés et migrants sous le régime autoritaire hongrois - pour articuler une sorte de film de genre entre action et fantastique, que son caractère emphatique et sentencieux qui lui donne cet aspect si fragile et factice. Car au-delà de la posture politique tenue par Mundruczo, le film s’avère trop bouffi d’orgueil dans sa forme pour ne serait-ce que formuler un constat alarmiste de la trajectoire du pays. Il ne fait aucun doute que le cinéaste a des désirs de cinéma. La multitude d’effets déployés par ce dernier, du plan séquence entre Les Fils de l’Homme et Victoria (celui de Sebastian Schipper) aux effets numériques tape-à-l’œil en passant par les poursuites en voiture cadrées façon Besson, tout laisse un arrière-goût étrange. En un sens, le fait de faire plier le film d’auteur sous un réseau de codes hérités du film d’action ou de l’entertainment incarne même quelque chose d’un peu provocant, comme cette façon plutôt gratuite car ne trouvant aucune justification dans le récit de filmer le corps des femmes. Nul doute, en somme, qu’il y a comme à l’accoutumée du style chez Mundruczo. Pour autant, la digestion risque pour cette fois d’être assez délicate tant la caméra ne démord jamais de cet égo-trip à travers lequel nous emmène le cinéaste.
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Avec ses impacts de balles comme autant de traces laissées par les clous, Aryan symbolise un Christ ressuscité – le moment où il annonce que son père est charpentier fait d’ailleurs glisser le film vers la proto-comédie. À force d’aller-retours entre rire et tragédie, entre métaphysique et sensitif, il apparaît difficile de stabiliser la démarche de Mundruczo. S’il est plaisant de voir comment celui-ci représente un monde où toutes les croyances ne reposent que sur l’argent - même le sexe -, les discours, images et musiques confinent le plus souvent au Saint-sulpicien. Reste cette anecdote posée en amorce du film, qui met en lumière une Lune autour de Jupiter où une vie extra-terrestre pourrait exister dans les mers. Détail qui renvoie certes allégoriquement aux migrants, perçus comme des extra-terrestres et échouant dans les océans, mais qui ferait d’Aryan une créature loin de la figure du Messie. Incapable, quoi qu’il en soit, de se placer clairement dans une optique de dénonciation ou de démonstration maniériste, Kornel Mundruczo échoue à convaincre que l’objet de son film n’est autre que lui-même.
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