Une femme sous influence
Le 8 janvier 2021
Kornél Mundruczó entre dans la cour des grands, avec ce mélodrame d’une puissance émotionnelle incomparable, convoquant le spectre de John Cassavetes pour en proposer un miroir symbolique sur la sublimation d’une femme. Précieux.
- Réalisateur : Kornél Mundruczó
- Acteurs : Ellen Burstyn, Shia LaBeouf, Vanessa Kirby, Iliza Shlesinger , Benny Safdie
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Netflix
- Durée : 2h05mn
- Date de sortie : 7 janvier 2021
- Festival : Festival de Venise 2020
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Résumé : Vivant à Boston, Martha et Sean Carson s’apprêtent à devenir parents. Mais la vie du couple est bouleversée lorsque la jeune femme accouche chez elle et perd son bébé, malgré l’assistance d’une sage-femme. Martha doit alors apprendre à faire son deuil, tout en subissant une mère intrusive et un mari de plus en plus irritable.
- Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Critique : C’est l’histoire d’un deuil, non seulement celui d’un nouveau-né, subitement décédé suite à un accouchement extrêmement difficile, mais aussi celui d’une femme, de son identité, la mort d’un passé désormais insondable, le deuil impossible d’une mère. Porté par un plan-séquence d’une virtuosité écrasante, cet événement clé de la vie de cette femme semble être le catalyseur à la fois dramatique et symbolique du parcours qu’elle devra vivre pour atteindre la sublimation, essayer, malgré un monde qu’elle ne comprend plus et un entourage d’une extrême toxicité, de se reconstruire et réassembler les fragments d’un être brisé par l’indicible, l’innommable. Kornél Mundruczó brise les normes du mélodrame classique en vigueur, pour en extraire une quintessence cinématographique de l’ordre de l’onirique. La perte de ce nourrisson symbolise dès lors le point de départ de la dislocation progressive, à la fois de cette figure féminine, traversant le film comme une silhouette vidée de toute substance, mais également d’un couple en détresse morale et psychologique, l’un se consolant dans une réalité chimérique dont il ne reste que le son, l’autre puisant dans ses démons pour tenter de retrouver un équilibre marital illusoire. Le film décide à juste titre de s’orienter davantage vers le personnage martyr interprété par Vanessa Kirby, vraisemblablement touchée par la grâce, et ainsi créer une dynamique relationnel se muant peu à peu en une spirale sans fond.
- Copyright Benjamin Loeb / Netflix
Le personnage de Martha Carson convoque inévitablement le calvaire de Mabel, au centre d’Une femme sous influence, probablement le meilleur film de John Cassavetes, du moins son film le plus militant, tant la charge politique et sociale matérialisée par Mabel, la protagoniste, magnifiquement jouée par Gena Rowlands, épouse l’ambition assumée de Kornél Mundruczó de composer, à travers Martha, un portrait tragique d’une société malade, rongée par les diktats de la bien-pensance notoire et l’avilissement de l’individu, condamné à la folie et à l’autodestruction. Finalement, on pourrait se laisser happer par la singularité du récit, la relation d’une femme avec un mari devenu violent et ordurier, la relation d’une femme avec sa mère gangrénant chaque aspect de sa vie. Mais l’essentiel, le plus précieux, se trouve entre les lignes, durant ces moments de flottements où le film, comme son personnage, sort de lui-même pour atteindre l’illumination.
Le long métrage essaiera constamment de creuser la psyché de ce foyer matrimonial avorté avec une infinie délicatesse, malgré l’utilisation d’artifices que l’on pourrait qualifier d’impromptus et la redondance de certaines métaphores. Mais l’univers que compose Kornél Mundruczó est d’une richesse rare, tant l’évocation de cette vie à jamais perdu dans les méandres de la mémoire est dévastatrice. Lauréat de la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine, à la Mostra de Venise 2020, pour Vanessa Kirby, nul doute que Pieces of a Woman devrait marquer les esprits aux prochains Oscars et obtenir légitimement les faveurs du public.
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