La passion crucifiée
Le 29 janvier 2003
Un polar qui laisse un peu sceptique.


- Auteur : Laura Grimaldi
- Collection : Suite italienne
- Editeur : Métailié
- Genre : Polar, Roman & fiction
- Nationalité : Italienne

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Publié en 1989 en Italie, La faute est le quatrième roman de Laura Grimaldi, journaliste, traductrice et éditrice. Tous les ingrédients y sont réunis pour en faire un excellent polar psychologique, mais malgré l’intrigue captivante, on reste un peu sceptique.
Corinna Lotus Martini, avocate féministe aux multiples amants, personnalité exigeante, violente et complexe, est retrouvée assassinée dans son appartement milanais, à la veille des vacances d’été. Son corps a été monstrueusement mutilé, crucifié sur le parquet, bouteille de champagne enfoncé dans le vagin, clitoris sectionné et placé entre les dents de la victime. D’emblée, à la description de cette boucherie qui ouvre le roman, par ailleurs assez sobre et qui ne fait pas du lecteur un voyeur (quoique...), on s’interroge sur la signification de ces actes hautement symboliques. Rapidement, on apprend que la victime était victime du syndrome de Morris, absence d’utérus et d’appareil génital, pas de seins ni de pilosité, un clitoris à l’apparence phallique.
Le corps est donc éminemment présent dès le début du roman de Laura Grimaldi, et continue de l’être par la suite, puisque la romancière attache une attention toute particulière, mais sans redondance ni lourdeur, à détailler dans le menu les traits, la corpulence et les tenues vestimentaires des personnages. Alfiero Falliverni, professeur d’histoire émérite, coureur de jupons, amant de Corinna et accusé de son crime. Aleardo Falliverni, maître verrier talentueux et solitaire. Delli Veneri, substitut du procureur chargé de l’affaire. Fil de fer, beau-père d’Aleardo, rigide, puissant et condescendant, procureur de la République à Milan. Maria Anna, irrésistible maîtresse de Corinna, fuyante et fragile.
Et comme, sous la chaleur étouffante de l’été milanais, les corps changent et souffrent, Laura Grimaldi s’applique aussi à examiner à la loupe ces modifications, qui laissent des auréoles sur les chemises et emplissent d’une grande lassitude l’homme libre, l’homme prisonnier et tous ceux chargés de mener l’enquête. Modifications qui, puisque les faits sont graves, sont aussi psychologiques, et l’auteur n’est pas moins minutieusement attentive à expliquer en quoi le silence des deux frères pendant les visites à la prison évolue, devient de plus en plus chargé d’un sens que les deux hommes, indifférents l’un à l’autre avant ce drame, comprennent sans effort. Aleardo en vient à s’interroger sur l’utilité de la liberté si c’est pour rester seul, Alfiero résigné se demande si tout un chacun n’aurait pas quelque chose à expier. Anna Maria, elle, est prise entre l’envie de parler de ses démons à Aleardo et la crainte que celui-ci n’en comprenne la signification et n’en déduise les conséquences sur leur situation à tous.
Un seul personnage ne change pas dans La faute, même après avoir pris du repos pendant ses vacances et exigé auprès du personnel de la prison qu’Alfiero attende son retour dans la section spéciale de la prison ; non, Delli Veneri ne change pas. Ni son opinion, qui le fait détester un peu plus chaque jour le prévenu, dans un pitoyable désir de justice vite rendue, à la limite de la servilité, et encourager Fil de fer, le procureur, dans son souci de condamner Alfiero pour ne pas être taxé de favoritisme au sein de son tribunal. Finalement, toute l’intrigue ne repose que sur la fadeur et l’immobilisme de ce personnage qui ne cherche pas d’autre coupable, ne porte pas ses soupçons ailleurs, n’interroge même pas d’autres témoins. C’est un peu là que le bât blesse, dans la fragilité de cette hypothèse pas très vraisemblable finalement. Rien de tout cela ne suffit à retenir le lecteur d’enquêter pour son propre compte et de trouver bien vite, du moins bien avant la fin, l’auteur de l’assassinat.
Laura Grimaldi, La faute, (La colpa, traduit de l’italien par Geneviève Leibrich), Métailié, coll. "Suite italienne", 2003, 256 pages, 13 €