Le Chalet bleu - Jean-Claude Servais – la chronique BD

Servais livre un conte hors du temps, hors des sentiers battus, ancré dans un lieu reclus et refuge. Avec le Chalet bleu, il donne à entendre et voir une ode à la nature, aux saisons en même temps qu’une histoire d’amour dans la tradition lyrique antique. Il y a du Virgile, du Giono, du Alain-Fournier et bien évidemment un peu de Carroll dans cette vie splendide d’une Alice éclatante, prêtresse malgré elle de Cybèle, jeune fille et vieillarde pleine de sagesse et de spontanéité. Carrefour du conte, de la poésie et de la parabole amoureuse, Le Chalet bleu possède une dimension philosophique propre. Le scénario, en apparence simple, puisque les personnages ont des réactions enfantines, naïves, prône l’apaisement cyclique, mais n’exclue des questionnements, des écarts. De même, la nature, au centre de tout, est bourdonnante, aimante mais jusqu’à l’extrême, devenant inquiétante, un cadre qui enferme autant qu’il étreint. Au fond, l’émotion, le sentiment, le cœur qui bat dans chaque chose nourrissent cette histoire, un mythe que se serait à son tour approprié Servais, comme un Horace des temps modernes.

Servais / Dupuis

Le charme de cet album provient de l’élégance du dessin, un support calme et chaleureux, qui voit la couleur verte s’imposer, grâce aux feuilles, aux herbes qui occupent chaque espace de case. Le chalet rustique, son ponton rassurant, les éléments du décor qui n’appartiennent pas à la forêt acquièrent cependant rapidement une aura, une magie que l’histoire développe à mesure que les saisons avancent. Éden retrouvé ou prison lumineuse, il appartient au lecteur de décider l’emprise qu’exécutent ces planches assez hypnotiques, en tous cas franchement bucoliques.

Servais / Dupuis

Le Chalet bleu, ou comment une simple balade en forêt peut se transformer en parcours initiatique d’une vie entière. Un moment de calme, conté avec douceur et verdure, dans un cadre enchanté.