Le 4 septembre 2007
- Festival : Festival de Venise 2007
Venise, cité lacustre à tendance auteurisante, accueille l’envahisseur américain à bras ouverts. Et surprise, c’est plutôt bon.
Venise, cité lacustre à tendance auteurisante, accueille l’envahisseur américain à bras ouverts. Et surprise, c’est plutôt bon.
Après une semaine de festival, il est temps de dresser un premier bilan de ce 64ème festival de Venise. La principale interrogation concernait la légitimité de l’incontournable présence américaine à vocation commerciale en sélection officielle avec près de la moitié des films tournés en langue anglaise. D’ailleurs, le film d’ouverture, l’anglais Atonement de Joe Wright avec Keira Knightley, ne cache nullement ses ambitions de divertissement populaire. Mélodrame maîtrisé, un brin convenu, il ne fait qu’affirmer la capacité de fonctionnement de la machine à rêves hollywoodienne. Malgré sa réussite relative, le choix de lui confier l’ouverture du festival paraît étrange et jure quelque peu avec la tradition auteurisante de la Mostra. Ce premier jour, on a aussi pu voir Lust, Caution de Ang Lee qui, deux ans après le sacre de Brockeback Mountain nous plonge dans un récit d’espionnage situé dans la Chine des années 40. Le tout est parsemé de quelques scènes hot, histoire de raviver les ambiances érotico-politiques cher au cinéma 70’s. Une fois de plus le cinéaste parvient à appliquer sa patte (résolument académique) à un scénario particulièrement original. Malgré les audaces du projet, celui-ci souffre de quelques faiblesses narratives et peine à justifier sa durée excessive de plus de 2h30.
Autre projet hybride et difficilement abordable, le Michael Clayton de Tony Gilroy, starring George Clooney dans un rôle sur mesure. Pendant masculin d’Erin Brokovich, Clayton se démène comme un diable pendant près de deux heures pour éclaircir une nébuleuse affaire de pollution industrielle. Reprenant les codes du thriller judiciaire à la John Grisham, cette production fait également souvent penser au Révélations de Michael Mann, tant par ses personnages que par sa mise en scène. Un brin ennuyeux, tout de même, malgré une élégance certaine qui joue à la perfection des ambiances feutrées de la sphère juridique. Une esthétique ultra-moderne qui se retrouve également dans le remake de Sleuth (Le limier en français) par Kenneth Brannagh. L’original de Mankiewicz de 1972, adapté d’une pièce de Shaffer, voyait Michael Caine et Laurence Olivier s’affronter verbalement dans une grande demeure aux accents baroques. Modèle de construction et d’intelligence, on voyait mal la nécessité de raconter une fois de plus cette histoire. Après un petit dépoussiérage par Harold Pinter et un raccourcissement de l’action (l’original faisait plus de 2 heures, celui-ci à peine 90 minutes), le bilan est mitigé. Si le relooking visuel apporté par Branagh et les modifications apportées au texte permettent de maintenir l’intérêt, la nécessité d’un tel projet reste à démontrer. On peut toujours se rabattre sur le jeu des acteurs, assez jouissif, avec une excellente idée : donner à Michael Caine le rôle joué par Laurence Olivier dans l‘original. Mieux vaut revoir une fois de plus le Mankiewicz, sans doute plus riche et plus surprenant.
L’étude psychologique était au centre d’une autre oeuvre, présentée hors-compétition : Cassandra’s Dream, le dernier Woody Allen. Dramatique, cette fois. Sans une once d’humour, le New-Yorkais (qui tourne une fois de plus à Londres) précipite deux frères dans les tourments de la culpabilité dans un récit qui doit beaucoup à Dostoïevski. Comme c’était le cas avec Match Point, le cinéaste semble explorer de nouvelles pistes, filmant avec une langueur auquel il ne nous avait pas habitué. La musique de Philip Glass y est sans doute aussi pour beaucoup. De ce Cassandra’s Dream on dira qu’il s’agit d’une des réussites de son auteur, mais une réussite discrète.
La guerre en Irak était présente sur le Lido à travers deux films attendus : In the valley of Elah de Paul Haggis et Redacted de Brian de Palma. Le premier pleure une Amérique désorientée et malade d’elle même à travers la quête d’un père à la recherche de son fils, disparu alors qu’il venait tout juste de rentrer d’Irak. Parfaitement tenu, In the valley of Elah n’échappe pas aux défauts de Collision (le précédent long d’Haggis) avec un sentimentalisme pompier qui vient contredire la sobre intensité de la mise en scène. Le vrai choc, contre toute attente, vient d’un Brian de Palma que l’on croyait définitivement out. Mais c’était avant d’avoir découvert son Redacted. Prenant la forme d’un journal intime sur vidéo, il relate un fait divers véridique : le viol puis le meurtre d’une fille de quinze ans par des soldats américains en garnison, aux abords de Samarra. En introduisant les supports numériques (blogs, vidéos sur YouTube, caméras de surveillance) au coeur de son sujet, le cinéma de De Palma retrouve un second souffle et paraît furieusement avant-gardiste. Bouleversant, parfois insoutenable, Redacted fait l’effet d’une bombe dans le paysage festivalier. Ce qui n’est clairement pas le cas de la dernière livraison de Ken Loach, It’s a free world. L’intention est forcément louable (une dénonciation des conditions d’exploitation des travailleurs immigrés), mais le cinéaste y insuffle son habituel schématisme. A force de nous expliquer que les immigrés sont des êtres humains comme les autres, le propos répétitif perd toute consistance. D’autant plus que le tout est filmé comme un téléfilm de luxe.
La présence française se distingue par son hétéroclisme. Le vétéran Rohmer est présent avec Les amours d’Astrée et de Céladon dont nous avons déjà dit tout le bien que l’on en pensait. Laissant de côté l’esthétique surannée de ses deux précédentes oeuvres, le maître recommence à filmer des extérieurs naturels avec un talent certain et une foi totale dans la magie du cinéma. Si l’on peut être déconcerté par la toute dernière partie, assez vaudevillesque, l’ensemble dégage une fraîcheur revigorante qu’un seul autre film aura su égaler : le Darjeeling Unlimited de Wes Anderson, un bijou de fantaisie sur lequel on reviendra plus tard. Présenté hors compétition, on pouvait aussi découvrir 24 mesures de Jalil Lespert. Son premier film en tant que réalisateur se situe en plein dans la mouvance du jeune cinéma français, sensoriel et rock. Si le tout est quelque peu confus (impétueux ?) il s’agit sans nul doute de l’une des belles révélations du festival. Enfin, terminons avec un mot sur The assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford. On y attendait Brad Pitt, c’est pourtant Casey Affleck qui monopolise toute l’attention (un prix d’interprétation à la clé ?). Si Terrence Malick n’a jamais tourné de western, Andrew Dominik comble ce manque de manière triomphale. Revisitant les mythes fondateurs de l’Amérique sur un tempo des plus exigeants, ce Jesse James est un grand poème cinématographique où tout, de la photographie à la musique (signée Nick Cave), contribue à hypnotiser le spectateur. Les Etats-Unis auront décidemment tout particulièrement marqué cette édition du festival de Venise...
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