Kassovitz : retour à Ouvéa
Le 8 mars 2024
Mathieu Kassovitz fait son retour devant et derrière la caméra avec un sujet qui lui tient à cœur, bien loin de ses dernières réalisations hollywoodiennes impersonnelles.
- Réalisateur : Mathieu Kassovitz
- Acteurs : Sylvie Testud, Philippe Torreton, Mathieu Kassovitz , Malik Zidi, Patrick Fierry, Iabe Lapacas, Jean-Philippe Puymartin, Alexandre Steiger, Daniel Martin
- Genre : Drame, Action, Historique, Politique, Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : UGC Distribution
- Durée : 2h16mn
- Date télé : 31 août 2016 21:00
- Chaîne : France 4
- Date de sortie : 16 novembre 2011
- Plus d'informations : Le site officiel du film
Résumé : Avril 1988, île d’Ouvéa, Nouvelle-Calédonie. 30 gendarmes retenus en otage par un groupe d’indépendantistes Kanak. 300 militaires envoyés depuis la France pour rétablir l’ordre. 2 hommes face à face : Philippe Legorjus, capitaine du GIGN et Alphonse Dianou, chef des preneurs d’otages. À travers des valeurs communes, ils vont tenter de faire triompher le dialogue. Mais en pleine période d’élection présidentielle, lorsque les enjeux sont politiques, l’ordre n’est pas toujours dicté par la morale...
Critique : De Mathieu Kassovitz, on préfère l’acteur au réalisateur, même si La Haine mais aussi Assassin(s) ont su faire parler d’eux à l’époque. Il faut dire qu’après Gothika et Babylon A.D., l’entertainment à la française en prenait un coup (heureusement Alexandre Aja est venu relever le niveau). Alors, on ne peut que se réjouir de voir Kassovitz revenir à un cinéma plus engagé qui, indéniablement, lui sied davantage (y compris dans les rôles qu’il a pu jouer). Surtout, il multiplie ici les casquettes (acteur principal, producteur, scénariste, monteur et réalisateur) pour nous offrir un spectacle qu’il a pu maîtriser de A à Z.
Le réalisateur de Métisse délaisse donc le film de genre pour s’attaquer au cinéma politique, toujours aussi rare en France. Il revient ainsi sur un évènement absent des manuels d’Histoire, de ceux que l’État cherche à faire oublier : la prise d’otages d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, qui éclata pendant les élections présidentielles françaises en 1988. Avec pour objectif de rendre les enjeux limpides, Kassovitz n’échappe pas à la pédagogie qui apparaît aussi comme la limite de sa démarche. Toujours est-il que sa vision politique se montre implacable et surtout révélatrice des agissements des politiciens de l’époque. Ainsi, ces derniers n’hésitent pas à faire passer leurs intérêts personnels avant toute chose (au point de sacrifier des otages ici), l’enjeu du second tour entre François Mitterrand et Jacques Chirac (alors Premier ministre, nous sommes en fin de cohabitation), prenant ainsi le dessus sur tout le reste. À cela, s’ajoute également le spectre du colonialisme (les Kanaks demandent leur indépendance), ce qui permet au réalisateur de faire un parallèle, toutes proportions gardées, avec ce qu’il se passe dans les banlieues en France.
Que Kassovitz interprète le rôle principal sonne alors comme une évidence, une manière de montrer jusqu’au bout son implication dans le projet. Le réalisateur-acteur se laisse d’ailleurs emporter dans son élan et surligne un peu trop son propos. Et ce dès l’apparition du titre, qui s’inscrit en blanc sous fond noir, et que l’on nous assène avec un gros coup de tambour appuyant la gravité du sujet. La bande-son abusera d’ailleurs un peu trop de ces tambours du Bronx (une sorte de roulement de tambour militaire sur des caissons en métal). On sent d’ailleurs que sur certaines séquences Kassovitz voudrait faire son Apocalypse Now (la scène avec les hélicos, limite too much), son Full Metal Jacket et même sa Ligne rouge mais sans jamais y parvenir. Néanmoins, on peut saluer sa volonté de donner une vraie dimension cinématographique aux images (la montée en puissance, bien rendue), sans non plus tomber dans le spectaculaire (la bataille finale dont on ne verra intelligemment que la première partie). La mise en scène, bien qu’appliquée, demeure toujours au service du scénario. Au final, L’Ordre et la morale atteint son but : il ouvre de nombreuses pistes de réflexion (le titre que l’on peut interpréter de diverses façons) et parvient à nous révolter.
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roger w 19 novembre 2011
L’ordre et la morale - Mathieu Kassovitz - critique
Meilleur film de Kassovitz depuis plus de dix ans, L’ordre et la morale revient au film militant et ausculte avec brio un évènement qui a marqué les consciences en 1988 : la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa. Avec une évidente efficacité, le réalisateur retrace ces heures sombres et règle au passage ses comptes à la classe politique française d’alors. En pleine période électorale, ce film citoyen plutôt révoltant devrait faire réfléchir bon nombre de nos concitoyens, pour peu qu’ils se déplacent le voir. Pour ma part, la salle était désespérément déserte. Il est vrai que le film est moins rassurant que certaines comédies sociales qui cartonnent actuellement.