Le 21 avril 2018
Truculent et simple, L’homme tranquille est un hymne savoureux à l’Irlande et à des acteurs admirables.
- Réalisateur : John Ford
- Acteurs : John Wayne, Maureen O’Hara, Ward Bond, Barry Fitzgerald, Victor McLaglen
- Genre : Comédie, Drame, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Swashbuckler Films
- Durée : 2h09mn
- Reprise: 9 mai 2018
- Box-office : 3.631.736 entrées France
- Titre original : The Quiet Man
- Date de sortie : 7 novembre 1952
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– Oscars du meilleur réalisateur et de la meilleure photographie 1952
Résumé : Sean Thornton, un ancien boxeur américain revient à Inisfree, son village natal d’Irlande, avec l’objectif de racheter l’ancien « cottage » de sa famille pour s’y installer définitivement. Il fait la connaissance de Mary Kate Danaher, la sœur du colérique Red Will Danaher qui convoitait la maison des Thornton avant que Sean ne la rachète. Le « yankee » entreprend tout de même d’épouser Mary Kate selon les règles de la tradition irlandaise.
Notre avis : On sait l’histoire de ce film, voulu par Ford, longtemps reporté, et qui ne vit le jour que grâce au succès de Rio Grande, film auquel personne ne croyait et qui rencontra un large succès. S’il demeura le préféré de Ford, les cinéphiles penchent plutôt pour les plus sombres, dont évidemment La prisonnière du désert, sans méconnaître le versant lumineux d’un œuvre plus diverse qu’on ne le pense souvent.
Et il est vrai que L’homme tranquille a de quoi agacer : la couleur locale, la prévisibilité des péripéties, l’optimisme apparent, la bonté des protagonistes… On dirait le film fondé sur des clichés qu’un scénariste aurait enfilés à l’envi. C’est aller un peu vite. D’abord parce que Ford reste maître de ses moyens, non seulement dans la course de chevaux, véritable morceau de bravoure traité à l’économie, mais aussi dans des plans champêtres, la mort sur le ring à la manière d’un cauchemar de gros plans, l’aveu en Irlandais ou dans la scénographie mettant en jeu les rapports de force.
Mais il y a plus : le cinéaste prend un malin plaisir à regarder, sans second degré, une Irlande rêvée, désirée, prisonnière de traditions archaïques (la demande en mariage, le flirt avec chaperon, la dot). Entouré d’une véritable famille (même son frère joue dans le film), il enregistre des moments de bonheur simple : une fuite à vélo, une tournée dans un bar au milieu des chants, autant de moments qui sont le reflet d’une sorte d’innocence ; Sean ne dit-il pas que ce coin perdu est un « paradis » et que Mary lui est apparue comme une « sainte » ? Oui, nous sommes avant la chute, dans un Éden transparent où les gens sont ce qu’ils paraissent être, où la météo même s’accorde à eux : ainsi Mary est-elle vue pour la première fois dans un véritable tableau champêtre et lumineux ; puis à la flamme d’une cheminée, mais après le refus de son frère, sous la pluie qui accompagne ses larmes. Quant à leur baiser fougueux, il a lieu sous un orage … et dans un cimetière, les morts donnant leur bénédiction (et faisant le lien avec les innombrables scènes de cimetière chez Ford). La pêche ou le jeu de puce sont d’évidence des activités importantes dans ce monde où personne ne semble travailler vraiment et aime prendre son temps. Qu’importe d’ailleurs qu’un train ait plusieurs heures de retard...
Dans cette Irlande pittoresque et irréelle, les gens sont des bonnes gens, et si conspiration il y a, c’est pour unir le couple que tout le monde espère. Ford se régale à filmer ces intérieurs chaleureux, autant que des buveurs au caractère ombrageux. Tout s’arrange parce que cette foi en l’humain l’emporte sur des crises secondaires.
On ne peut oublier néanmoins que cet optimisme béat se complique d’un thème sous-jacent, celui de la culpabilité : Sean a en effet tué un homme en Amérique, et s’il « rentre » en Irlande, c’est aussi pour fuir ce souvenir. Le film tient alors de la rédemption par une vie simple, l’amour et le contact des « vraies gens » puisque, loin de la civilisation violente, il peut espérer l’oubli et la réintégration dans une société aux mœurs ancestrales. On trouvera peut-être la leçon trop courte, mais Ford l’aborde sans détours ni clin d’œil, réservant sa sensibilité à un tableau souvent touchant et sa tendresse à des interprètes qu’il aime : le couple formé par John Wayne et Maureen O’Hara ou l’inaltérable Victor McLaglen resplendissent à chaque plan, tout en caractère et franchise brute. N’empêche : le film est travaillé autant par l’idéalisme que par le remords qui contrarie la vie (c’est à dire, chez Ford, la possibilité de se battre), autant par le bonheur que par la mélancolie. La bagarre finale, « homérique » et menacée par le grotesque, est à la fois un défouloir et une reconquête, un triomphe sur la culpabilité et la faiblesse. Elle réveille les morts, fait oublier à un inspecteur et au clergé leur devoir ; on peut l’interrompre pour boire une bière, mais elle se conclut sans drame ni perdant. Reste aux acteurs à saluer, et prendre congé en laissant au spectateur le soin de méditer, ému, sur cette leçon simple et infiniment bienveillante.
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