Delvaux, auteur à redécouvrir
Le 18 juin 2024
Ce récit d’un dérèglement mental est mené de main de maître par André Delvaux, grand cinéaste belge des années 60 et 70.
- Réalisateur : André Delvaux
- Acteurs : Beata Tyszkiewicz, Senne Rouffaer, Hector Camerlynck, Hilde Uitterlinden, Annemarie Van Dijk
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Belge
- Editeur vidéo : La Vie est Belle éditions
- Durée : 1h34mn
- Titre original : De man die zijn haar kort leit knippen
- Date de sortie : 5 septembre 1966
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Résumé : Govert Miereveld, avocat et professeur dans une école de jeunes filles d’une ville flamande, conçoit un amour secret pour son élève Franny, beauté inaccessible et bientôt disparue. Plus tard, Govert est contraint d’assister à une autopsie à l’occasion d’un déplacement professionnel. Dans le hall de son hôtel, il retrouve - ou croit retrouver - Fanny, devenue actrice.
Critique : La renommée des frères Dardenne tend à occulter l’importance historique d’André Delvaux, premier grand cinéaste belge et artiste majeur. Adapté d’un roman semi-autobiographique de Johan Daisme, L’homme au crâne rasé, tourné en langue néerlandaise, fut d’abord diffusé à la télévision belge avant de récolter divers prix dans des festivals internationaux, prélude à un succès critique et à une sortie en salle d’autant plus attendue que l’œuvre avait été labellisée « premier long métrage belge » de l’histoire du cinéma. Enseignant et documentariste, Delvaux s’était entouré de techniciens chevronnés (Ghislain Cloquet pour un noir et blanc aux contrastes marquants, Suzanne Baron pour un montage alternant le cut et l’éclatement de la narration), et de jeunes étudiants en cinéma qui faisaient leurs premières armes à l’écran : ce dosage d’expérience et de fraîcheur est la première qualité du film, que l’on peut inscrire dans la mouvance des nouvelles vagues européennes, alors florissantes en France, en Angleterre (le Free Cinema) ou en Tchécoslovaquie (Forman, Chytilova...). Récit d’une marche vers le dérèglement mental, L’homme au crâne rasé frappe par ce mélange de distanciation brechtienne (une froideur des cadrages, des acteurs au ton monocorde) et de premier degré psychologique, le spectateur s’identifiant à un personnage dont il finit par comprendre qu’il est fou.
On est aussi frappé par le recours à la description clinique (l’autopsie filmée hors champ) entremêlée de séquences à l’orée de l’imaginaire (la rencontre à l’hôtel) : ce contraste avait fait parler à l’époque de « réalisme magique », accentué par la partition musicale mélancolique et expressionniste de Frédéric Devreese. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que le film, par son thème et sa démarche, ait pu influencer des œuvres aussi diverses que L’histoire d’Adèle H. de Truffaut, Shining de Kubrick ou Lost Highway de Lynch. L’homme au crâne rasé bénéficie enfin de la qualité de l’interprétation de Senne Rouffaer et Beata Tyszkiewicz, actrice d’une beauté diaphane, alors épouse de Wajda : le couple qu’ils forment (ou plutôt ne forment pas) dans cette histoire anticipe les personnages d’Yves Montand et Anouk Aimée dans Un soir, un train, le chef-d’œuvre de Delvaux, produit en 1969 avec un budget plus confortable. Véritable poème cinématographique, ce film est donc l’occasion de remettre en selle un cinéaste de tout premier plan, même si ses dernières réalisations (L’œuvre au noir) frôleront l’académisme.
– British Film Institute Awards 1966 : Trophée Sutherland
– Pesaro International Film Festival of New Cinema 1966 : Prix de la Jeune Critique
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