Le ressort de l’amour
Le 27 avril 2011
Éblouissant de raffinement esthétique, ce sixième long-métrage d’André Delvaux ne comble pas totalement les attentes qu’il suscite, mais Françoise Fabian y est magnifique.
- Réalisateur : André Delvaux
- Acteurs : Fanny Ardant, Vittorio Gassman, Françoise Fabian, Mathieu Carrière, Claire Wauthion, Philippe Geluck, Renato Scarpa
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien, Belge
- Distributeur : UGC Distribution
- Editeur vidéo : La Vie est Belle éditions
- Durée : 1h42mn (DVD)
- Date de sortie : 7 septembre 1983
- Plus d'informations : http://www.lavieestbellefilms.fr
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Résumé : Jeanne, une romancière vivant à Gand, écrivit jadis la chronique scandaleuse d’un amour, celui de Livio et Benvenuta. Un jeune scénariste tente d’en découvrir les détails pour en faire un film. Au contact du jeune homme et au gré de ses confidences ou de ses mensonges, Jeanne revit cette passion absolue, réelle ou inventée.
Critique : Publiée sans signature chez Julliard en 1960, puis rééditée en 1980 à Bruxelles avec préface de l’auteur, La confession anonyme de Suzanne Lilar ravive la tradition du roman courtois : la passion amoureuse y est exacerbée par la multiplication des obstacles qui, tels des ressorts, l’irritent et la ravivent sans cesse, et devient, par l’impossibilité même de son accomplissement, une voie d’initiation et de purification mystique.
Dans le livre l’héroïne, pianiste suédoise, confiait le récit de sa liaison tumultueuse avec un juge italien d’âge mûr à une jeune maîtresse de son amant. Dans Benvenuta, l’adaptation qu’en a fait André Delvaux (L’œuvre au noir), c’est une romancière, Jeanne (double de Suzanne Lilar ?), qui, d’abord réticente, livre par bribes des fragments d’un récit dont la part autobiographique reste indécidable à un jeune scénariste. La naissance d’une amitié amoureuse entre la femme de cinquante ans et son confident-confesseur devient ainsi la trame principale d’un récit complexe où surgissent les stations de la passion de Livio et Benvenuta, mais aussi rêves et souvenirs d’enfance.
Jeanne, la romancière, est donc à l’évidence le personnage central du film et celui qui restera jusqu’au bout le plus énigmatique. Françoise Fabian, magnifique, lui donne sans peine l’autorité fragile et l’aura de mystère requis. Face à elle, Matthieu Carrière a bien du mal à éviter le ridicule dans un rôle réduit à sa fonction de déclencheur de parole mais auquel on a tenté maladroitement de donner de l’épaisseur en lui inventant une biographie cousue de fil blanc.
Son texte, bardé d’intimidantes citations littéraires (Rilke) est redoutable.
Quant aux figures du récit dans le récit, elles peinent elles aussi à prendre vie et les acteurs semblent comme pris au piège d’un texte, souvent admirable, dont ils craindraient de ne pas faire sentir toute la beauté. Gassman est impeccable mais n’a pas trop l’air d’y croire alors que le sur-jeu exalté de Fanny Ardant gomme un peu la part d’auto-ironie d’un personnage aux accents nietzschien qui décide (ou croit décider) du cours de son destin (c’est elle, qui invente et tente de raviver sans cesse cette grande histoire d’amour).
À la beauté, trop ostentatoire, du texte répond celle, non moins écrasante, de lieux magiques : Gand, le lac Majeur, la villa des mystères à Pompei. Tout le film est placé sous le signe d’une grandeur (l’impressionnante gare de Milan) qui fige la mise-en-scène de Delvaux malgré les louables tentatives pour contredire (et exacerber) le sublime d’une dimension grotesque.
Une toile d’Ensor est accrochée bien en évidence à un mur du salon de Jeanne. Ses masques blafards signalent la veine carnavalesque qui offre au film quelques-uns de ses meilleurs moments : le prêtre, vieillard édenté, qui tend l’hostie à l’héroïne en tenue de première communiante en lui recommandant d’éviter de la mordre pour ne pas faire couler à nouveau le sang du Christ ou l’apparition du facteur, grimaçant oiseau de mauvais augure (c’est le même acteur).
Ces accords de farce grinçante donnent du mordant à une œuvre qui souffre des lourdeurs inhérentes aux coproductions à gros budget, l’énergie déployée par Delvaux pour contrôler l’ensemble aboutissant à une indéniable démonstration de maîtrise mais nuisant à la respiration du film qui paraît bien artificielle.
Le sixième long-métrage de l’auteur de L’homme au crâne rasé et de Rendez-vous à Bray ne comble donc qu’à moitié les attentes qu’il suscite mais séduit néanmoins par sa beauté visuelle et son exquis raffinement esthétique.
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Le DVD
Une fort belle édition DVD du film d’André Delvaux sera disponible à partir du 3 mai 2011.
Les suppléments
Plus qu’au diaporama de photographies inédites on s’intéressera à André Delvaux au travail, un documentaire de 11 minutes réalisé par Thierry Bonnaffé pendant le tournage du film. Interviews du réalisateur et des acteurs et aperçus du travail de l’équipe : tout le monde à l’air tendu et soucieux d’être à la hauteur d’un projet aux hautes ambitions.
Image
Éclat des couleurs (ces pourpres !), définition sans faille : la splendeur visuelle, au cœur du projet du film, est au rendez-vous.
Son
Il y a beaucoup de musique dans Benvenuta dont l’héroïne est pianiste de concert. Un Dolby 2.0 un rien clinquant lui permet de se déployer comme il se doit.
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