Critique : Sam Shepard a fini sa carrière avec un roman aux accents autobiographiques étonnant. Mais le format court ne lui permet pas d’en faire une autobiographie à part entière. Toutefois, l’auteur s’observe, se projette à l’extérieur de lui pour regarder à quoi il ressemble, au crépuscule de sa vie.
Ce jeu crée un rapport étrange entre celui qui espionne et celui qui se sent épié.
Des chapitres courts, parfois mêmes brefs, de moins d’une page, nous font passer d’un regard à l’autre. À ce jeu de miroirs cachés se mêlent des souvenirs, le narrateur - à moins qu’ils ne soient deux - évoque son enfance, sa vie, sa famille de manière synthétique, parfois même cryptée, distillant des informations incomplètes ou bien des éléments dont on doute de la véracité. La mémoire du narrateur commencerait-elle à lui jouer des tours ? Nous n’aurons pas la réponse.
Plus le récit avance, plus le style évolue. Très découpé, haché au départ, comme cherchant ses mots, il se développe, s’assemble, et privilégie une construction -parfois- lapidaire, mais plus claire. Les chapitres passent d’un ou deux paragraphes à quelques pages. Les événements se précisent. Cependant, ils restent incomplets, jusqu’à la fin, inattendue, ouverte, qui clôt la réflexion.
Cette sensation de chaleur, d’air brûlé que Sam Shepard parvient à nous faire ressentir en quelques mots, laisse place en conclusion à la fraîcheur du soir, une note d’espoir bienvenue.

L’espion qui est en moi est un récit qui surprend. Ce voyage dans la tête d’un homme, ou de deux, se mérite et vaut le détour, porté par une écriture qui, radicale, sans concession, évolue tout au long de l’histoire.