Le 10 janvier 2023
Oscillant entre réalisme historique et conte décalé, cette coproduction franco-italienne signée Pietro Marcello distille un charme certain et demeure fidèle à l’univers de son réalisateur.
- Réalisateur : Pietro Marcello
- Acteurs : Louis Garrel, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Bernard Blancan, François Négret, Ernst Umhauer, Raphaël Thiéry, Juliette Jouan
- Genre : Drame, Historique, Romance
- Nationalité : Français, Allemand, Italien, Russe
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 8 avril 2024 23:18
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 11 janvier 2023
- Festival : Festival de Cannes 2022
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Résumé : Quelque part dans le Nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël, un soldat rescapé de la Première Guerre mondiale. Passionnée par le chant et la musique, la jeune fille solitaire fait un été la rencontre d’une magicienne qui lui promet que des voiles écarlates viendront un jour l’emmener loin de son village. Juliette ne cessera jamais de croire en la prophétie.
Critique : Présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2022, L’envol est le second long métrage de fiction de Pietro Marcello, après Martin Eden. Auparavant, le cinéaste s’était fait remarquer par des documentaires percutants, dont La bocca del lupo. Après avoir adapté Jack London, Marcello a souhaité s’inspirer librement du conte Les vols écarlates d’Aleksandr Grin (1880-1932), écrivain russe représentant du réalisme romantique. L’action est transposée en Normandie, dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale. Si le souci de nouvel ancrage historique peut sembler a priori une préoccupation du réalisateur (avec notamment l’incrustation d’images d’archives, à l’instar de son précédent film), la narration aurait pu se dérouler dans une autre contrée, tant l’histoire de L’envol a une portée universelle. Après l’armistice, Raphaël retourne dans son village natal et fait la connaissance de sa fille Juliette. Son épouse est morte, et le bébé a été recueilli par Adeline, une paysanne à la tête d’une petite communauté d’habitants. Raphaël les rejoint et trouve un emploi éphémère d’artisan dans un chantier local. Mais il est en butte à l’hostilité des villageois. En grandissant, Juliette subit elle aussi les brimades de ses pairs et se réfugie dans l’évasion des livres et de la nature.
- © 2023 CG Cinéma. Tous droits réservés.
Le métrage est fidèle à l’univers du réalisateur, qui a toujours dépeint des exclus et marginaux stigmatisés et victimes de la suspicion des « braves gens », comme le couple formé par l’ex-gangster sicilien et la transsexuelle dans La bocca des lupo, ou l’écrivain anarchiste de Martin Eden. Même si le présent film brouille moins la dimension temporelle, quelques anachronismes (notamment dans les dialogues) universalisent la narration, tout en créant un décalage, dans le prolongement de Martin Eden. Ce ton décalé se traduit aussi dans le choix de diverses chansons incrustées, qui permettent de retrouver l’ambiance de films français aussi divers que Peau d’âne ou Jeanne. Et à propos des correspondances entre Martin Eden et L’envol, Pietro Marcello précise : « S’il y a dialogue entre les deux, c’est autour de la trahison. Martin Eden trahit sa famille. Pour s’instruire et pour changer de vie, il abandonne son père et sa mère. C’est moins une trahison de classe que d’affects. Et elle est bien plus profonde, au point qu’à la fin il en est détruit. Juliette est un anti-Eden. Enfant, elle a la possibilité de poursuivre ses études en ville, et ainsi de changer de vie. Elle décide au contraire de rester à côté de son père. Seulement la mort de ce dernier la libère de ce pacte qui n’a pas été pour elle un sacrifice, mais un choix heureux. Juliette continuera d’ailleurs à faire partie de la communauté matriarcale. Ainsi, alors que MARTIN EDEN était un film traversé par la figure d’un homme torturé, L’ENVOL est un film tout aérien ».
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Les interprètes se meuvent avec bonheur dans le dispositif du réalisateur, à commencer par Raphaël Thiery, remarqué chez Laurent Guiraudie (Rester verical) et Michaël Hers (Amanda). Juliette Jouan est une révélation et les seconds rôles sont impeccables, de Noémie Lvovsky en matriarche à Bernard Blancan en chef de chantier, en passant par Yolande Moreau en sorcière et Louis Garrel en faux prince charmant aviateur. On regrettera juste la lourdeur d’un néo-féminisme à travers le traitement des personnages caricaturaux d’un père (François Négret) et de son fils (Enrst Umhauer), commettant ou tentant de commettre un viol envers une mère puis sa fille à dix ans d’intervalle. Cette réserve ne doit pas occulter la qualité d’un film qui confirme la cohérence d’un auteur important du cinéma européen.
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