Le 17 avril 2020
Un nouvel opus envoûtant et drôle de l’héroïne mystique Jeanne d’Arc, porté par la bande-son gigantesque du must des interprètes français, le magnifique Christophe.
- Réalisateur : Bruno Dumont
- Acteurs : Fabrice Luchini, Christophe, Lise Leplat Prudhomme
- Genre : Comédie dramatique, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 2h18mn
- Date de sortie : 11 septembre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019
Résumé : Année 1429. La Guerre de Cent ans fait rage. Jeanne, investie d’une mission guerrière et spirituelle, délivre la ville d’Orléans et remet le Dauphin sur le trône de France. Elle part ensuite livrer bataille à Paris où elle subit sa première défaite. Emprisonnée à Compiègne par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais. S’ouvre alors son procès à Rouen, mené par Pierre Cauchon qui cherche à lui ôter toute crédibilité. Fidèle à sa mission et refusant de reconnaître les accusations de sorcellerie diligentées contre elle, Jeanne est condamnée au bûcher pour hérésie.
- Copyright 3B Productions
Critique : Quand Bruno Dumont s’engage sur un projet de film, on peut être certain qu’il se détournera des ficelles récurrentes du septième art et que son œuvre sera habitée par une parole dense, littéraire, portée par des comédiens tout autant professionnels qu’amateurs. Son dernier film Ma Loute dérogeait un peu à ses habitudes d’un cinéma très écrit ; il s’entourait d’une ribambelle d’acteurs célèbres et faisait la démonstration d’un récit tout à fait fantaisiste et léger. Cette fois, avec cette œuvre plutôt longue, Jeanne, Bruno Dumont revient à un cinéma austère, très scandé, dépouillé, où se mêlent aux quelques comédiens professionnels la voix déroutante et hésitante des habitants du nord de la France. La théâtralité est le marqueur principal de cette reconstitution historique, qui se situe principalement dans une cathédrale - souvent regardée depuis sa plus haute voûte -, ainsi que sur les plages normandes du débarquement. Bien évidemment, le cinéaste joue avec les anachronismes, ne se privant pas de transformer en prisons du Moyen Âge les blockhaus allemands qui jonchent les bords de mer.
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Naturellement, Jeanne, c’est d’abord l’interprétation étincelante de Lise Leplat-Prudhomme. La jeune comédienne, que le cinéaste avait déjà mise en scène dans son film musical Jeannette, L’enfance de Jeanne d’Arc, est sans âge. Elle pourrait être une enfant déjà rompue à la dureté du monde des adultes ; elle pourrait être une adolescente aussi, d’une incroyable maturité, qui refuse sa féminité au bénéfice de l’appel à combattre les Anglais que Dieu lui a mis sur sa route ; elle pourrait être la vaillante cheffe de guerre que le destin précipitera dans le feu. Elle assume une parole claire, foudroyante, qui met dos à dos le secret de la révélation divine et sa colère, contre l’institution politique que constitue l’Église de son époque. Elle fixe la caméra, pendant de très longues séquences, comme si, à la fois, elle était en prière et que le spectateur devenait le témoin privilégié de son destin hors norme. Elle n’a pas peur et elle montre, dans ce regard d’une stupéfiante détermination, que son combat militant consiste à réconcilier ses convictions profondes avec la rigidité du clergé.
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Il n’échappera à personne que Bruno Dumont règle ses comptes avec l’institution religieuse. L’ambiguïté de la temporalité des décors retrace la contemporanéité de son regard. Jeanne d’Arc est condamnée au bûcher, parce qu’elle refuse de se soumettre non pas à sa foi, mais à l’Église qui la contraint de renoncer à son identité. La drôlerie et le cynisme accompagnent ce récit souvent grinçant où, finalement, autant les juges que notre jeune héroïne deviennent agaçants dans leur posture dont ils ne parviennent pas à s’échapper. Dumont fait l’éloge de l’émancipation. Il n’est pas tant question, pour cette jeune femme, de défendre sa patrie que de revendiquer sa féminité. Jeanne est l’expression même de l’intelligence politique, quand elle est capable de faire la synthèse entre l’affirmation de soi, le combat pour un pays, et l’adhésion aux valeurs de l’amour et de l’universalité.
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Il est difficile de terminer cette critique sans faire l’éloge du chanteur Christophe. La musique, électronique et classique à la fois, constitue un personnage à part entière dans ce récit de ferveur et de lumière. Et la voix de Christophe prend souvent le pas sur les dialogues, devenant le cœur même de tout le film. Au point d’ailleurs que Bruno Dumont nous fait la surprise de donner vie à l’artiste, par l’intermédiaire d’un de ses personnages, le temps d’une courte séquence. L’interprète entonne alors une sorte de prière et les personnages qui l’écoutent se perdent dans des simagrées, qui évoquent autant le ridicule de leur positionnement devant tant de beauté que la vacuité de l’humanité. Les chansons de Christophe font de ce film une pleine réussite. Sans elles, le long métrage aurait pu se réduire à un exercice intellectuel, plutôt ennuyeux. La musique élève l’histoire et fait éclore, dans le personnage de Jeanne, la certitude de sa sainteté. Bien sûr, nombre de spectateurs se détourneront de cette œuvre. Il n’empêche que celles et ceux qui auront la chance de la regarder, s’offriront une parenthèse spirituelle et philosophique.
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chti26 15 septembre 2019
Jeanne - Bruno Dumont - critique
très très ch... la moitié des personnes ont quitté la salle d’un ciné Art et essais associatif.
franchement Dumont vit-il encore dans le monde des amateurs de cinéma ? on touche les limites du système avec les acteurs non professionnels, encouragés dans leur (mauvais) côté amateur.
Sans parler de la supercherie d’utilisation du nom de Luchini (45 secondes de présence).
Bref à fuir