Le Bûcher des Vanités
Le 2 septembre 2017
Bruno Dumont est de retour avec un film au pitch fantaisite qui risque fort de diviser. Expérience artistique totale ou vaste fumisterie ?
- Réalisateur : Bruno Dumont
- Acteurs : Lise Leplat Prudhomme, Jeanne Voisin, Lucile Gauthier, Victoria Lefebvre, Aline Charles, Elise Charles
- Genre : Musical
- Nationalité : Français
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 6 septembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Domrémy, 1425. Jeannette n’est pas encore Jeanne d’Arc, mais à 8 ans elle veut déjà bouter les Anglais hors du royaume de France. Inspirée du "Mystère de la charité de Jeanne d’Arc" (1910) et de "Jeanne d’Arc" (1897) de Charles Péguy, la Jeannette de Bruno Dumont revisite les jeunes années d’une future sainte sous forme d’un film musical à la BO électro-pop-rock signée Gautier Serre, alias Igorrr et aux chorégraphies signées Philippe Decouflé.
- Copyright R.Arpajou / TAOS Films - ARTE France
Notre avis : Voilà maintenant vingt ans que Bruno Dumont arpente une œuvre abrupte et radicale. Et si ses dernières réalisations, la série P’tit Quinquin et la comédie Ma Loute, proposaient des incursions dans son oeuvre plus légères et accessibles que ses travaux précédents, que l’on qualifieraient d’ascétiques, le cinéaste retourne ici à une forme d’art sans concessions avec cet étonnant projet autour de Jeanne d’Arc.
Son long se veut être, effectivement, une adaptation insolite de Jeanne d’Arc et du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (tous deux écrits par Charles Péguy, respectivement en 1897 et 1910) dans sa volonté d’aborder le récit par la comédie musicale. La bande-originale a été tout spécialement composée par Igorrr, de son vrai nom Gautier Serre, artiste mélangeant le death metal, le breakcore et la musique baroque (nous vous recommandons au passage la discographie pour peu que vous ne soyez pas allergique aux expérimentations sonores). Autant dire que sur le papier, cette nouvelle aventure nous paraissait d’autant plus excitante qu’elle portait aussi en elle les gènes des concepts barrés qui finissent par se casser la gueule.
- Copyright R.Arpajou / TAOS Films - ARTE France
Malheureusement c’est ici la deuxième option qui est retenue tant c’est l’incompréhension qui domine à la fin de l’interminable visionnage. Dumont, dans un étrange travail de déconstruction de l’objet filmique dont on ne sait s’il est involontaire ou fruit d’une longue maturation, déroute. Ses acteurs amateurs évoluant aux abords d’une plage comme seul décor, se lancent dans des numéros musicaux fragiles aux chorégraphies (volontairement ?) à coté de la plaque et au chant pas toujours très juste, comme si le cinéaste souhaitait diminuer l’impact de la bande-originale qui constitue pourtant quasiment tous les dialogues.
- Copyright R.Arpajou / TAOS Films - ARTE France
L’investissement émotionnel face à ce que l’on nous montre est quasi nul, la faute au jeu théâtral des jeunes acteurs qui sonne souvent faux ; de même la plupart des dialogues sont à peine compréhensibles (c’est surtout le cas quand les protagonistes chantent... mais pas que...). Certes, c’est récurrent dans le cinéma du Nord de Dumont, mais ici l’on ne se situe plus dans un cinéma vérité à fort caractère atavique. Qui plus est, l’humour gêne, provoque le malaise : est-il volontaire ? Le ridicule de certains choix consterne : un numéro de dab croisé à de la tecktonik (oui oui, on parle bien de ce mouvement éphémère qui a fait bien des ravages entre 2006 et 2007) dont on se serait bien passé, crée la surprise. L’effet désiré est de toute façon trop évanescent pour soutenir la bonne humeur alors que l’ennui domine les différents tableaux, aux jeunes âges de Jeanne.
- Copyright R.Arpajou / TAOS Films - ARTE France
Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc est donc un film qu’on aurait aimé aimer, mais ses atouts de radicalité sont également ses plus gros péchés. Au diable le sens et les intentions quand l’exaspération domine l’expérimentation.
Que l’on jette Jeannette au bûcher des vanités.
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