Le 16 juillet 2021
Si le projet de dénoncer le monde des médias, du show-business et du journalisme sensationnel est heureux, à force de vouloir chercher la provocation, le film devient démagogique et maladroit.
- Réalisateur : Bruno Dumont
- Acteurs : Léa Seydoux, Benjamin Biolay, Juliane Köhler, Blanche Gardin, Emanuele Arioli
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 2h14mn
- Date télé : 9 mai 2024 23:50
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 25 août 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : « France » est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias.
Critique : Il restera en mémoire du nouveau Bruno Dumont l’incroyable séquence de départ, qui s’empare d’un discours d’Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse marquée par l’intervention d’une journaliste, spécialiste du star-système et de l’actualité sensationnaliste, France, incarnée par une Léa Seydoux surprenante dans un tel rôle.
Naturellement, personne n’est dupe de l’entreprise cynique et ironique du réalisateur, qui règle ses comptes avec la télévision sensationnaliste. Pour autant, un tel projet ne donne pas le droit à de pareilles grossièretés dans les choix de mise en scène et d’écriture. Le cinéaste y va à marche forcée, rajoutant, au fur et à mesure de sa narration, des décors et des situations et de tels effets hyperboliques que le long-métrage se retourne contre ce que Dumont dénonce. Le ton est si féroce, si brutal, qu’on finit par douter de la bonne foi du propos qui s’acharne à démonter la presse télévisuelle de façon unilatérale. On craint même que le réalisateur ne se moque du coup des spectateurs qui dévoreraient les chaînes d’actualité continue sans réflexion ni recul. Ces derniers sont représentés comme de vagues pantins, totalement aveuglés par le star-système, dont, faut-il le souligner, Bruno Dumont et les comédiens qui apparaissent dans le film sont aussi la pure illustration. L’auteur de ce long métrage aurait pu aller jusqu’au bout de sa logique, en refusant de gravir les marches de Cannes et de se soumettre au jeu des photographes et des fans ébahis. Rien que le titre, qui réduit l’état de la France à ce personnage médiatique pleurnichard et ambivalent, est une erreur.
- Copyright RogerArpajou/3B
Léa Seydoux, présente dans quatre films de la sélection officielle cannoise cette année, s’est investie dans ce projet, acceptant d’incarner cette journaliste très aisée, dont les choix éditoriaux font évidemment douter de la sincérité de la profession. Elle investit ce rôle sans recul ou discussion, dans une sorte de jeu caricatural et grotesque. Jamais on ne l’aura autant vue pleurer dans un film, ce qui dessert immanquablement ses performances indéniables de comédienne. Elle participe, sans doute à ses dépens, à la construction d’un personnage insupportable et excessif, au bord du burn out, dont le mauvais goût est permanent, qu’il s’agisse de l’appartement cossu où elle habite, des tenues de grands couturiers qu’elle porte, de la manière d’élever son fils ou de traiter son mari, et surtout dans la façon dont elle dramatise les reportages sensationnalistes.
Dans sa comédie Ma Loute, Bruno Dumont se protégeait de la caricature grâce aux habits d’époque et aux pas de côté de ses interprètes formidables. Cette fois, le choix délibérément féroce de la mise en scène, ne permet pas aux acteurs d’ajuster leur jeu et d’amener un peu de nuances. Ils y vont tête baissée, condamnant leurs personnages au statut de pantins ridicules, complètement vampirisés par le monde des médias et de la télévision, contre lequel ils n’auraient aucune distance critique.
- Copyright RogerArpajou/3B
La moquerie, le rire, le pastiche nourrissent depuis toujours la littérature et le cinéma. Pour autant, il s’agit d’un art qui mérite une très grande subtilité. Il importe aussi que l’auteur soit en parfaite congruence avec ce qu’il dénonce. Bruno Dumont n’y parvient pas. Néanmoins, il ne faudrait pas réduire le réalisateur à France. Cette parenthèse de cinéma a pour elle une volonté heureuse de dénoncer un système médiatique que bon nombre de compatriotes plébiscitent. Mais on aurait aimé que le cinéaste se donne un peu de hauteur dans l’écriture du scénario.
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