Le 19 avril 2019
Le dernier roman de René Fallet est une histoire d’amour torturée par le masochisme des protagonistes.
- Auteur : René Fallet
- Editeur : Denoël
- Genre : Roman & fiction
- Date de sortie : 13 janvier 1982
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : « Sans amour on n’est rien du tout », dit la chanson. C’est une des vérités de Régis, le héros de L’Angevine, qui passe son temps à conjuguer le verbe aimer. Au moment où il va rencontrer pour la première fois Christine, il est encore amoureux de Marthe avec laquelle il a rompu. Il n’est pas heureux, cet auteur dramatique à succès qui ressemble comme un frère de souffrance au romancier René Fallet. Christine est une jeune femme de vingt-neuf ans, belle, mariée, mère de trois enfants et vivant à Angers. Elle a aimé Régis avant même de le connaître. Elle l’aime à travers son œuvre et sa gloire. Et s’offre à lui dès le premier jour. Il n’aime, lui, que l’aventure qu’elle lui offre. Leurs rencontres deviennent de plus en plus fréquentes, les lettres de Christine de plus en plus délirantes. À tel point que le mari s’inquiète et obtient un rendez-vous de Régis. Mais que peut-on contre ce raz de marée ?
Notre avis : C’est le dernier Fallet, de la plus belle eau, sans doute de Seltz, arrosant joyeusement un whisky plein de larmes. Pourtant le beaujolais n’est pas si loin, lorsqu’une éclaircie se dessine en Anjou. Et même quand l’orage gronde, finalement. L’Angevine n’est pas née de la dernière pluie. Elle vit avec son mari, un prof de maths et ses trois enfants (Ziggy, le footballeur, Cathy, maman en miniature, fine doseuse de Pernod, et Ariane, la gouaille en bandoulière, pas bégueule pour un sou), mais elle attend l’aventure. On sait que Ferrier, le double de notre auteur, écrivain à succès, est un lapin de garenne qui va à l’amour comme on ne va pas au champignon : L’amour baroque et Y a-t-il un docteur dans la salle ? avaient, quelques années plus tôt, tenu registre de ces ballades sentimentales houleuses, où l’on accordéonne volontiers ses humeurs, se déchire plus que de raison pour vérifier que le sang coule. La tempête souffle aux pieds d’Agnès, la fidèle, qu’un arrangement de longue date maintient dans la maisonnée : le couple ne se séparera pas, mais Ferrier peut aller voir ailleurs quand bon lui semble. La légitime veille au grain, comme une vestale, apporte elle-même à son mari les mille-feuilles des lectrices enthousiastes, confondant parfois la vie et le roman. Quand une photo avenante vient révéler l’existence de Christine, Ferrier saute à pieds joints dans un nouveau plat de résistance. La rencontre aura lieu dans un café. Impressionnée, elle offre un cadeau. Goujat, il le refuse. L’écrivain n’aime ni les grandes symphonies de la guimauve, ni les fans éplorées. La pêche à la calée ne se savoure qu’à proportion d’une sévère résistance, à l’autre bout de la ligne.
Dès que le grelot a tinté, il est légitime que Marthe, autrefois aimée dans Y a-t-il un docteur soit expédiée ad patres ou accrochée comme une petite fleur sur les armoiries sentimentales de Ferrier. Jean-Luc Labé peut bientôt faire l’addition des nuits sans Christine. Malmené, éreinté par les outrances du couple impur, il empoigne son baluchon et quitte plusieurs fois la ZAC. Les enfants ne s’en émeuvent pas tant que cela : Ariane le trouvait terne et saoulant. Ferrier est bientôt sommé d’investir la place vide. Agnès la placide le regarde partir. Elle ne lui donne pas une semaine. Noël, l’ultime fête familiale, prend notre auteur à la gorge. Les enfants lui font la fête, mais Christine est absente. Elle aimait les gares de transit, entre nulle part et ailleurs. Fin de la messe. L’union est légitimée au feu de bois. Elle sent la bûche de Noël. On devine que Ferrier, qui se répandait autrefois en jeu de mots ("Ah, si Labé mourait !"), va se carapater avec l’agilité d’une anguille prise au piège. Mais c’est elle qui le congédie, elle qui lui avait pourtant promis pour la vie. Le prof de maths peut à nouveau plastronner en chef de tribu.
L’histoire continuera quand même de s’écrire sans lui. Quelques feux illuminent d’une grave tristesse les ultimes pages de ce roman écrit en 1981. Y a-t-il de l’avenir pour ceux qui ont choisi de s’aimer en se déchirant ? Ferrier se sent vieillir. Il ne répondra pas aux lectrices qui se pressent dans la salle d’attente. Il ira voir son cardiologue à la place. Ce satané coeur, encore...
René Fallet, "L’Angevine"
Denoël
348 pages, 140 x 205 mm
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