Critique : En ouvrant sa porte un samedi matin, Thierry découvre une invraisemblable scène de guerre : sa maison et celle des voisins sont cernées par le GIGN. Avec sa femme Élisabeth, ils ont vécu pendant des années à côté d’un tueur en série pédophile, sans rien soupçonner ; une relation de bon voisinage faite d’entraide, d’échange d’outils, de passion commune pour les insectes et d’apéritifs avec un monstre. La nouvelle se répand vite avec la présence de la police scientifique et l’intrusion des journalistes. Alors que son mari tente de la persuader que leur maison en lisière de la forêt est le meilleur des refuges, Élisabeth veut partir vite et loin. Or, bien qu’il n’en laisse rien paraître, le traumatisme atteint aussi l’être intime de Thierry. Solitaire et casanier, ce dernier éprouve des sentiments mêlés de stupeur et de trahison, d’effroi et de culpabilité. Désormais seul dans ses ténèbres, il entame un voyage vers son enfance désertée, un cheminement cathartique jusqu’aux origines de son incapacité à affronter toute violence, en homme habitué à s’abriter sous une carapace fissurée.

L’auteure s’intéresse non pas à l’enquête, mais à la vie du témoin brisée par l’irruption de l’horreur, qui agit comme un révélateur. L’antihéros prend conscience de sa solitude et se voit contraint d’ouvrir les yeux, d’élargir son périmètre de vision. En réalité, les failles de son existence étaient déjà là, et l’arrestation du criminel n’a été que le déclencheur de l’effondrement. La renaissance exigera un parcours de rédemption qu’il effectuera avec des adjuvants parfois inattendus. Si l’on regrette certaines péripéties lourdes et inutiles, l’on s’attache véritablement à ce personnage en quête de sa sensibilité.