Kill or be killed . T.1 - La chronique BD

La plongée dans l’histoire de ce jeune homme se fait d’une manière sinueuse. Les digressions, retours en arrière et flash forwards s’enchaînent rapidement, avec un narrateur lui-même perdu, hagard, brusque. Comment est-il devenu un serial killer ? Quand a eu lieu son premier meurtre ? Qu’est-ce qui l’a poussé à le commettre ? Les premières questions trouvent leurs réponses rapidement, trop vite pourrait-on même dire, car l’action et les étapes s’enchaînent ou se sautent dans un chaos qui illustre à merveille celui qui fuse dans la tête du héros. La logique n’est pas la priorité, la linéarité est optionnelle, car ce récit doit révéler une histoire torturée, faite d’erreurs et de renoncements. Pourtant, les mots et les péripéties vont petit à petit s’imbriquer, le personnage va progressivement gagner en charisme, son parcours s’étoffer pour devenir sacrément happant pour le lecteur, avide de connaître le déroulé et la suite des meurtres. Car ce héros au masque rouge est bien un tueur, sorte de Dexter qui aurait croisé Faust, maladroit avec les armes comme avec les filles, un Kick Ass dépressif et surtout penchant du mauvais côté de la Justice. Et ce premier tome ne semble donner que les explications de surface de ce croisement des genres, de quoi envisager une riche suite...

© Delcourt

Sean Phillips repart au dessin pour une nouvelle série avec Ed Brubaker aux commandes du scénario. Puissant et propre au polar, son trait et ses ombres noires jettent un froid sur toutes les histoires, même si des couleurs inondent par moment les pages, ou si une tension sexuelle pourrait réchauffer l’atmosphère, il subsiste ce côté distant et frigide, comme si le héros était déjà mort depuis longtemps, ou si les personnages avaient un teint cadavérique dès le début. Rien de rebutant, cette ambiance est même plutôt d’une force originale et remarquable, qui assure un décor en adéquation avec le sujet tout au long des pages.

© Delcourt

Thriller qui semble faire la part belle à la violence dans son titre et sa couverture, confirmé par le prologue, Kill or be killed est en fait bien plus complexe et serpentueux qu’il ne laisse présager. Profond dans son déroulement et son scénario, il offre une nouvelle série avec des airs de déjà vu mais finalement une bouffée bien originale.