Journal T.4 - Fabrice Neaud - la chronique BD

Critique : Il y a plus de vingt ans maintenant, Fabrice Neaud achevait son Journal avec ce quatrième volume, réédité aujourd’hui pour éclairer une époque, un ressenti, un état. L’auteur – qui serait probablement diagnostiqué hypersensible aujourd’hui – a livré un ouvrage autobiographique qui pourrait s’apparenter à du Proust tant certaines pages se rapprochent du grand prosateur, amateur de schéma explicatif des émotions humaines, fin connaisseur des rapports sociaux. Avec cette fin, la frustration des premiers tomes s’est estompée, une sorte de plénitude s’est installée à la place, même si les doutes persistent et que la tristesse se glisse dans les planches. Pour autant, c’est une autre séquence qui peut être évoquée ici : une scène de dédicace, avec une jeune femme venue acheter le tome 1, demandant si elle va être incorporée au prochain tome, l’auteur répondant que oui, les deux échangeant sur la valeur, la vérité et le rendu d’un tel échange, dans une mise en abime un poil étourdissante. Second temps assez génial, cette discussion tardive où un ami (geek avant que le mot s’impose) vante le talent des comics pour avoir proposé une cosmogonie, certes assez vaste et chaotique, mais avec des années lumières d’avance sur la BD franco belge, d’humour et de terre à terre.

© Delcourt / Neaud

Rien à ajouter pour ce qui est du dessin par rapport aux trois premiers tomes : le trait est fin et splendide, notamment pour des visages, qui sont dévoilés sous différents angles. Le noir est sublimé par le blanc, avec de grands espaces et de grands silences pour des pages toujours exceptionnelles, même s’il n’y a quasiment rien dedans. Car c’est le souffle de Fabrice Neaud qui passe dans ces planches.

© Delcourt / Neaud

Dernier tome de cette réédition, ce Journal parle des heures plus lumineuses, – même si elles restent en clair-obscur – d’un homme et de toute sa complexité.